Le préfet d'Aquitaine a initié il y a quelques semaines une consultation sur les tracés de la LGV du GPSO auprés d'un grand nombre "d'acteurs institutionnels" en Aquitaine.
LGVEA a été destinataire, comme plusieurs autres associations, de cette consultation.
Aprés en avoir délibéré au sein de notre Conseil d'Administration, nous avons conclu que nous devions, conformèment aux engagements de nos statuts envers nos adhérents, répondre à cette
sollicitation.
Vous trouverez ci dessous le courrier que nous avons adressé au Préfet d'Aquitaine en réponse à sa demande d'avis.
Association L.G.V.E.A
2, avenue du 8 mai
33650-Saint Médard d’Eyrans
lgv.environnement.arruan@gmail.com
Saint Médard d’Eyrans le 17 octobre 2011.
, à
Monsieur le Préfet de la Région Aquitaine, préfet de la Gironde
Monsieur Patrick STEFANNI
4b, esplanade Charles de Gaulle
33077- BORDEAUX
Affaire suivie par Serge GOENAGA
Chargé de mission
Tél 05 56 90 65 11 ou 05 56 90 65 00
serge.goenaga@aquitaine.pref.gouv.fr
Courrier et pièces jointes transmis par e-mail
à l’adresse ci-dessus.
Monsieur le Préfet,
Par votre courrier en date du 30 septembre 2011, vous avez souhaité recueillir notre avis sur le projet de ligne ferroviaire à grande vitesse
(LGV) des Grands Projets du Sud-Ouest (GPSO) sous la maîtrise d’œuvre de RFF.
Disons-le tout d’abord nous sommes agréablement surpris d’être ainsi invités à donner aujourd’hui un avis sur ce projet car nous avons été,
jusqu’à présent, tenus à l’écart, voire stigmatisés, car représentant aux yeux des institutionnels (Etat, Région, RFF…) « quantité négligeable » quant à l’avis des citoyens et habitants
des territoires en Sud-Gironde[I].
Pour répondre plus précisément à votre invite nous devons au préalable rappeler que notre association fédère aujourd’hui des centaines de
citoyens et d’habitants du Pays de l’Arruan au sud de Bordeaux où se mêlent propriétaires, habitants, viticulteurs des Graves et Pessac-Léognan, élus locaux, associations locales, association de
chasse, syndicat viticole…
Tous nos adhérents ont approuvé nos statuts[II]
où l’on rappelle que nous sommes pour un aménagement des voies ferrées existantes et contre le projet de
LGV du GPSO.
Toutefois nous ne sommes pas exclusivement dans une attitude dogmatique et nous avons clairement
inscrit dans ces statuts que nous entendions, si le projet GPSO venait à terme, être au cœur de la défense des intérêts et du cadre de vie des habitants de l’Arruan.
C’est à ce titre que nous répondons à votre demande d’avis sur le GPSO.
Ce projet nous apparaît tout d’abord frappé « d’inutilité publique » car il ne
profitera pas prioritairement à l’ensemble des habitants des territoires de l’Aquitaine. Il semble bien que dans ses critères géographiques évoqués par RFF il soit davantage offert à l’accroissement de la métropolisation des villes déjà favorisées (Bordeaux, Toulouse…) mais peu performant pour innerver véritablement les
villes petites et moyennes telles qu’Agen, Montauban, Captieux, Bayonne…
Les exemples rencontrés sur les autres LGV (Paris-Marseille, LGV Est ou Nord, Perpignan-Figuéras…) montrent bien, confirmés par des
études patentées[III],
que l’effet LGV/TGV ne profite pas prioritairement aux régions traversées mais renforce l’attractivité initiale des métropoles en tête et en fin de ligne.
On ne peut sans paraître Tartuffe soutenir que la LGV apporterait une mine d’emplois pour les populations locales quand on voit aujourd’hui
les faits réels rapportés par les élus de Poitou-Charentes et de Gironde[IV]
(confrontés au concessionnaire de la LGV Tours-Bordeaux) qui contredisent les annonces fracassantes qui prévoyaient des dizaines de milliers d’emplois pour les entreprises locales.
D’autre part la SNCF reconnaît, et des chercheurs le confirment[V],
que le TGV reste aujourd’hui, et certainement demain plus encore avec le renchérissement des billets, le transport d’une faible partie (environ 10%) des usagers français membres majoritaires
d’une catégorie CSP+ de la population française.
Enfin on ne saurait masquer, en ces temps de récession économique, qu’il est inconcevable pour nous d’engager des budgets
pharaoniques[VI]
dans des milliers de km de LGV alors que tous, y compris les PDG de SNCF et RFF, s’inscrivent aujourd’hui dans un difficile mais incontournable réaménagement des lignes ferrées existantes.
On peut craindre que ce « Concorde » des années 2010-2020 ne soit, à l’image de celui des années 70, un objet technologique de trop
eu égard aux contraintes économiques et financières qui assaillent la France en ces jours.
Nous ne saurions taire aussi les dégâts environnementaux et humains qui accompagneraient la mise en œuvre du GPSO pour une grande majorité des
Aquitains. Ce sont des milliers d’hectares de terres, de vignes et de forêts qui seraient stérilisées et enlevées aux mains des agriculteurs,
viticulteurs, sylviculteurs, qui peinent aujourd’hui face à la concurrence mondiale et ne peuvent œuvrer efficacement pour une relocalisation des productions.
C’est une inflation immobilière autour des pôles desservis par le TGV qui se poursuivrait au détriment des populations locales contraintes à
un exode urbain en dehors des villes originaires, en contradiction avec les grands principes urbanistiques étatiques qui voudraient « densifier la ville ».
C’est une atteinte irrémédiable envers les grands espaces naturels Aquitains (souvent protégés comme les zones humides, les ZNIEFF, les zones
Natura 2000, le Parc Régional d’Aquitaine…) qui serait portée à notre environnement par l’emprise et les ouvrages de la LGV.
C’est aussi des nuisances à moyen terme (travaux, bruit de chantier, trafic poids lourds…) et à long terme (bruit ferroviaire,
expropriations...) qui seraient infligées aux habitants forcés de subir ou contraints à migrer.
Sur le plan local (en Pays d’Arruan) nous craignons d’être assujettis à la « double peine » car, aux nuisances évoquées ci-dessus
relatives à la LGV, nous devrions supporter la mise à 3 voies (et 4 voies dans les haltes SNCF) de la ligne ferrée existante Bordeaux-Toulouse.
A ce titre nous verrions nos villages et bourgs coupés en deux par la clôture de sécurité SNCF (les passages à niveaux sont supprimés) ce qui
se traduirait par une refonte complète des axes de circulation routière, des emprises ferroviaires accrues, des expropriations comportant des risques de minoration des avoirs immobiliers
(estimations par France-Domaines), une déflation des immeubles restants hors expropriation à proximité immédiate des voies ferrées, une augmentation des nuisances sonores sans garantie de
protections phoniques pertinentes[VII].
Ceci est à évaluer avec un accroissement conséquent du trafic ferroviaire que RFF estime lui-même[VIII]
équivalent à 100 trains par jour et par sens au sud de Bordeaux à l’horizon 2030-2050.
Toutes ces contraintes issues de la LGV, et/ou de la modification associée des voies existantes
entre Bordeaux et Ayguemorte-les-Graves, nous amènent à refuser les fuseaux[IX]
et les tracés étudiés par RFF pour les LGV du GPSO et à redire notre attachement à la seule modernisation des voies existantes tant que ne sera pas prouvée une réelle saturation de
celles-ci.
Rappelons à ce titre que des élus du Lot et Garonne, appuyés par un grand nombre d’élus de la Gironde, ont initié une étude indépendante sur
l’aménagement des voies existantes Bordeaux-Toulouse permettant la circulation de TGV, étude dont nous attendons les conclusions dans les prochaines semaines. Nous pensons qu’elle viendra
conforter les études indépendantes précédentes[X]
sur l’axe Bordeaux Espagne qui avaient conclu à la non saturation à moyen terme (2030).
Restant à votre disposition pour vous apporter tout élément complémentaire à notre argumentaire, nous vous prions de trouver ici, Monsieur le
Préfet, l’expression de nos sentiments citoyens et républicains.
Pour le Conseil d’Administration de LGVEA,
Approuvé à l’unanimité des membres
Son président
Jean-Robert THOMAS
Copie :
DREAL Aquitaine
Monsieur Laurent MORICEAU
laurent.moriceau@developpement-durable.gouv.fr
Réseau Ferré de France
Monsieur Frédéric PERREIRE
frederic.perreire@rff.fr
Pièces Jointes
FLettre de LGVEA adressée au préfet d’Aquitaine le 13 juillet
2010
FRéponse du préfet d’Aquitaine à la lettre de LGVEA du 13 juillet
2010 (27 octobre 2010).
FRéponse RFF pour groupe de travail (14 septembre 2010)
FCourrier LGVEA vers garant du processus de concertation GPSO (7
décembre 2010)
FLettre LGVEA vers Nathalie Kosciusko-Morizet en date du 14 janvier
2011.
FRelance de LGVEA vers Nathalie Kosciusko-Morizet en date du 11
juillet 2011.
FStatuts de l’Association LGVEA
[I]
Pour preuve de cette stigmatisation nous pourrons montrer que l’ancien préfet de la région Aquitaine, Dominique SCHMITT a ignoré
notre demande d’entrevue à plusieurs reprises (voir en PJ la lettre ouverte qui lui a été adressée le 13 juillet 2010 et sa réponse en date du 27 octobre 2010). De même malgré notre
insistance, et une réponse apparemment positive de RFF, (voir en PJ le courrier de Christian Maudet daté du 14 septembre 2010), nous n’avons jamais été invités comme membres des groupes de
travail des réunions de concertation portant sur les enjeux fonciers, patrimoniaux, les réseaux, l’environnement… qui ont eu lieu entre 2010 et 2011. Nous n’avons reçu invitation de RFF que
pour le groupe de concertation regroupant les associations où tout était déjà « verrouillé » par les travaux des groupes de travail cités ci-dessus ou dans d’autres instances
(COPIL, COTER, commissions consultatives, collèges des acteurs locaux…).
Nous avons donc dû passer outre et nous « inviter » dans les différents groupes de travail de RFF, tout en dénonçant ces
pratiques de concertation auprès du garant (voir en PJ notre courrier en date du 7 décembre 2010).
Rappelons aussi que nous attendons toujours, malgré plusieurs relances, une prise en compte, ainsi qu’un entretien avec Madame la
Ministre, de nos remarques sur le projet GPSO, que nous avons adressées à Nathalie Kosciusko-Morizet (voir en PJ notre lettre en date du 14 janvier 2011 et relance écrite en date du 11
juillet 2011).
[II]
Voir nos statuts en P.J.
[IV]
On peut en avoir un écho, parmi beaucoup d’autres, en lisant les propos de Michel Boutant, président du Conseil Général de la
Charente, dans l’édition de Sud-Ouest du 15 octobre
2011.
[VI]
Nous estimons, au-delà des seuls chiffres minimisés de RFF qui s’appuient sur des estimations datant du débat public de 2006, que
le GPSO pourrait approcher 15 milliards d’euros avec la prise en compte des
aménagements demandés par les élus (gares, passage en souterrain des lignes du Pays Basque, ouvrages…)
[VII]
RFF se retranche dans la stricte couverture de la réglementation mais ne tient pas compte des évolutions urbanistiques à venir
(PLU) sur les 30 ans examinés dans leur simulation et mésestime les zones de bruit complexes (route/rail) sans appliquer des implantations de protections phoniques adaptées.
[VIII]
Cf. réunions RFF des 6 mai et 19 septembre 2011. Le trafic mesuré n’est que de 38 convois par sens et par jour en 2011.
[IX]
Nous soulignons ici que les fuseaux de la LGV en Arruan adoptés en COPIL le 31 mai 2010, et validés par le Ministre en septembre
de la même année, n’ont jamais été explicités techniquement et économiquement par RFF
malgré nos nombreuses demandes en ce sens.
[X]
Rappelons ici que ces études (CITEC et SMA) ont été depuis réinterprétées par le CGEDD et qu’elles amènent le Ministère des
Transports à mettre en place un Observatoire des Trafics afin de clarifier ces données, signe évident d’un trouble partagé aujourd’hui par les instances décisionnaires.