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TGV : une Très Grande Vénalité ?

 

Depuis les années 80, lors du lancement des projets français de TGV, plusieurs observateurs privés et publics ont pointé les détournements financiers, les magouilles, les ententes oligarchiques…qui ont entouré ces grands chantiers de plusieurs milliards (de francs) de l’époque.

Aujourd’hui le gouvernement français envisage, sans savoir comment le financer, la construction de milliers de km de LGV. Cet eldorado, pour le BTP et les groupes industriels périphériques (exemple Alsthom pour les rames TGV qui pourraient être commandées pour rouler sur les nouvelles LGV), va certainement raviver le milieu politico-économique français et international.

Des grands groupes comme Bouygues, Effiage, Vinci…sont entrés dans la course aux marchés de ces infrastructures de transport. Vinci vient de décrocher la concession de la LGV Tours-Bordeaux, Effiage celle de la LGV Bretagne-Pays de Loire. Avec des montants de plusieurs milliards d’euros ces contrats mobilisent les milieux financiers, les groupes du BTP, les grands industriels, les décideurs politiques…

Tous les ingrédients sont présents pour que se nouent des alliances, que s’établissent des monopoles de fait, que des intérêts politiques (politiciens) et économiques s’agrègent.

On rétorquera que nous sommes encore dans la théorie du complot, dans la suspicion permanente, dans le dénigrement…

Mais alors, sans s’engager dans une prospective sur d’éventuelles liaisons entre ces différents intérêts, retournons nous vers le passé récent et tentons d’y trouver quelques pistes sur des pratiques que certains qualifient de « magouilles ».

 

Un ouvrage[1] paru en 1993 sous la plume de Julien CAUMER[2] va nous servir de miroir et de fil d’Ariane dans un labyrinthe socio-politico-économique qui entoure, depuis toujours, les grands chantiers de par le monde : Un TGV en nord.

 

Que nous fait découvrir Julien CAUMER au fil de son enquête ?

On retrouve dans les années 1980 des pratiques (alors menées par la SNCF, depuis 1997 par RFF) qui tendent tout d’abord à masquer la réalité des dossiers technico-économiques aux citoyens et aux élus locaux afin de propager l’idée que le TGV (LGV) est LA SOLUTION aux besoins de transports pour les usagers français.

Ainsi on peut lire que le dossier d’utilité publique élaboré par la SNCF pour justifier la DUP du TGV Nord, dossier déposé seulement en enquête durant 43 jours, n’aurait peut être pas été suffisamment « percutant » si la SNCF n’avait en parallèle mené une campagne d’information et de restructuration de son réseau grandes lignes[3] afin de limiter les performances d’exploitation de celles-ci et favoriser ainsi, par répercussion, le projet TGV.

On peut être avec l’auteur stupéfait de voir « la SNCF, dotée d’un culot outrageux, (qui) s’offre aussi le luxe de dégrader son propre service public sur les lignes classiques, maquillage momentané pour faire croire aux mauvaises performances du Corail et mettre en avant le TGV ! »

De même, déjà pour le TGV Atlantique, la SNCF d’alors manipule les chiffres des prévisions de trafics pour favoriser le TGV dans ses dossiers de présentation.

L’auteur nous apprend[4] que les prévisions de la SNCF se sont souvent révélées fausses : « Elle avait tablé, avec le TGV Atlantique, sur 3,4 millions de voyageurs piqués à la route. Résultat : 1,8 millions y sont retournés ! Sur le Méditerranée, elle avait estimé à 3,2 millions le nombre de voyageurs détournés de l’aviation. Il n’y eu que 1,6 millions, soit 100% de surestimation. Les passagers venus de l’avion sont donc moins nombreux que ceux renvoyés sur la route. Où est le bénéfice ? »

Il semble bien que les « cousins » de la SNCF d’alors, RFF aujourd’hui, perdurent dans ce genre de pratiques quand on suit les prévisions annoncées pour les trafics fret et voyageurs afin de justifier le besoin de LGV entre Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Espagne. On pourra à ce sujet se reporter aux différentes études indépendantes menées face à RFF dans le cadre du GPSO (étude SMA http://sd-2.archive-host.com/membres/up/8889538985686605/docs_gene/Resume-expertise-dax_-Cabinet_SMA_capacite_ligne_actuelle.pdf  et étude CITEC) ainsi que les démentis[5] argumentés des associations en Pays Basque qui contestent les chiffres prévisionnels avancés par RFF depuis 2005.

Autre biais constaté par Julien CAUMER dans la stratégie TGV-LGV de la SNCF d’alors : la création de gares ex urbanisées (ou appelées souvent « gares betteraves ») qui sont l’antithèse d’un projet ferroviaire rationnel et inscrit dans le développement durable.

L’auteur reprend les trafics routiers obligatoires générés par l’accès aux gares ex urbanisées comme celle d’Avignon et démontre[6] que ces trafics, entre Arles, Tarascon, Aix, Orange…et la gare TGV d’Avignon, non desservie en TER, représentent plusieurs millions de km par an ! De même il dénonce l’hérésie de la gare TGV picarde[7]  située au milieu des betteraves sur une plaine entre Amiens et Saint-Quentin, à quelques km du village d’Ablaincourt-Pressoir mais loin des grands centres urbains comme Lille et Arras. Pétitions, recours, nouvelles enquêtes, interventions politiques…contre cette gare n’aboutiront pas : la gare des « betteraves »  existe toujours et on y accède uniquement par la route pour les utilisateurs du TGV !

Que doit-on penser en Aquitaine des projets de gares nouvelles TGV à l’est d’Agen, au nord de Mont de Marsan ou des haltes SR-GV comme à Captieux ? Ne va-t-on pas reproduire ici les erreurs passées sur le TGV-Nord ?

 L’auteur rapporte aussi les chiffres de rentabilité des lignes TGV[8] communiqués par la SNCF en 1991 : au mieux 9,8% sur la Provence, au pire 0,1% en Normandie !

Ne devrait-on pas en tenir compte aujourd’hui dans la réflexion politique sur les infrastructures ferroviaires à grande vitesse et la construction des LGV ?

Des dossiers comme ceux des LGV Bretagne et GPSO pourraient y trouver  des arguments pour limiter une course effrénée à la vitesse pour la vitesse qui fait dire alors[9] à Julien CAUMER : « Le TGV, comme l’Eurotunnel, est un véritable trou noir sidéral qui engloutit des masses budgétaires astronomiques. La SNCF progressait sur ses concurrents routiers et aériens depuis 30 ans, mais après 7 ans de TGV elle a perdu 22% de sa part propre de marché. Faut-il persister dans le projet TGV vieux de trente ans ? »

Que doit-on penser aussi des « pressions et accommodations » politiques qui émaillent ces grands projets de TGV ?

L’auteur y plonge pour mettre le doigt sur quelques « coups fourrés » dûment catalogués.

Ainsi apprend-on que des enquêteurs de la Direction Générale de la Concurrence ont acquis la conviction que « l’attribution des travaux de génie civil de la future ligne du TGV Nord a été faussée par des ententes illicites conclues entre plusieurs groupements de grandes et moyennes entreprises de travaux publics ».

 Au-delà de ces ententes surgit le spectre du financement des partis politiques, sujet hautement explosif pour la droite comme pour la gauche, cette dernière étant alors « sous les feux de la rampe » ce qui amène l’enquête de Julien CAUMER sur les traces de Michel CARMORA[10], et au final, à s’interroger sur le rôle de Pierre BEREGOVOY  dans l’étouffement des fuites[11] pouvant conduire à un dépôt de plainte jusqu’en septembre 1993.

 Pour la petite histoire nous devons faire état aussi des appuis politiques qui viennent dans de tels dossiers d’infrastructures favoriser tel ou tel homme politique du sérail. Rappelant l’étonnement des membres de la commission d’étude ferroviaire anglaise venue prendre connaissance du « modèle TGV français » qui s’interrogeaient sur la pertinence d’une gare gigantesque à Massy (ville située au sud de Paris, loin de toute agglomération digne d’un train à vocation européenne), l’auteur de Un TGV en nord rapporte la réponse de Claude GERMON, député-maire socialiste de Massy : « Comme je connais le Président de la République, je suis allé le voir et je suis revenu avec une gare ».

  Doit-on voir ici les prémisses d’un comportement politique hélas récurent qui resurgit de nos jours dans le dossier LGV du GPSO quand on apprend par exemple qu’un conseiller au ministère de l’Economie a peut être pu intervenir dans les allées du pouvoir pour faire déplacer le tracé dans les Landes ou qu’un maire du sud-gironde  s’enorgueillit de son amitié avec le Président de la République pour éviter la LGV sur sa commune ?

 

Julien CAUMER égrène ainsi sur quelques 200 pages les vicissitudes et les petits arrangements qui accompagnent la construction du TGV Nord.

Des ententes illicites aux arrangements politiques, en passant par les aberrations techniques et écologiques qui fleurissent sur les 330 km de la ligne, nous sommes à même de penser que, si l’histoire ne se répète pas, elle bégaye parfois.

Nous ne pouvons qu’appeler les Français, et tout particulièrement les  Aquitains, qui s’inquiètent des projets de LGV tous azimuts (rappelons que le SNIT envisage 4000 km de nouvelles LGV dans les prochaines décennies) à la lecture de cet ouvrage.

Nous aurons ainsi contribué à notre rôle de « lanceurs d’alertes » car, comme le rappelle Julien CAUMER parlant des associations réclamant que la multitude des avis conduisent à la qualité des décisions sur les projets de TGV : « Trop souvent, lorsque les travaux sont commencés, on imagine que ce sont les bons, et que tout opposant est un « excité » menant un combat d’arrière garde. L’utilisation irrationnelle de l’argent public, cela existe. Or le mouvement associatif a le nez sur les problèmes, il voit tout ».

Plaise qu’il ait eu l’illumination, voilà 20 ans, des fondements d’une gestion des infrastructures ferroviaires de transports frappée au coin du bon sens…

 

Jean-Robert THOMAS     12 août 2011

 

   



[1] Un TGV en nord ; Julien Caumer, éditions Chapitre Douze, 1993, ISBN 9782840350157

[2] Julien CAUMER, journaliste d’investigation à l’Evènement du Jeudi, l’Express, membre de l’équipe de Jean-Marie Cavada pour la Marche du Siècle et plus récemment participant à la création de Pièces à Conviction, présenté par Elise Lucet.

[3] Ibid. pages 149-152.

[4] Ibid. page 161

[5] On peut consulter entre autres une réponse récente (16mars 2011) du CADE à Georges Labazée, président du groupe PS, http://www.ni-ici-ni-ailleurs.com/article-reponse-du-cade-a-georges-labazee-president-du-groupe-ps-69532623.html

[6] Ibid. page 163

[7] Ibid. page 11

[8] Ibid. page 179. Il s’agit de rentabilité de lignes TGV sur toutes voies confondues (LGV ou voies classiques). Depuis 20 ans il est prouvé (voir rapport de l’Université de Lausanne en 2005) que le réseau présente un état de délabrement important et que RFF devrait revoir la maintenance/rénovation des premières lignes LGV Paris-Lyon-Marseille. Ceci conduirait inexorablement à un surcoût important qui se répercuterait sur les rentabilités globales annoncés en 1991.

[9] Ibid. page 98

[10] Michel CAMORA, ancien conseiller du Garde des Sceaux, Albin CHALANDON. C’est par lui que le dossier des ententes illicites fera l’objet du dépôt d’un procès verbal le 5 septembre 1990.

[11] Ibid. page 70

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Notre association s'est fixé dans ses objectifs d'être source d'information et de réflexion sur les problèmes environnementaux en général, et sur le projet de LGV en particulier, dans nos territoires.

A cet effet il nous semble important de mettre à votre disposition les présentations publiques que nous sommes amenés à faire lors de réunions publiques. Ainsi nous débutons cette rubrique en proposant la consultation de la présentation faite le 8 juillet à Saint Médard d'Eyrans à l'occasion de l'Assemblée Constituante de notre association.

Bon visionnage. J.R . Thomas

 

Cliquer ici:

 http://sd-2.archive-host.com/membres/up/8889538985686605/reunionspubliques/Module_presentation_AG_constituante_V2.ppt

 

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