Comprendre les véritables enjeux du GPSO
Pour ceux qui voudraient comprendre les véritables enjeux du GPSO (Grand Projet du Sud-Ouest), infrastructure ferroviaire à grande vitesse (LGV) en étude entre Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Espagne, il est un ouvrage à recommander : Les rails de la déraison – La très grande vitesse en Aquitaine et ailleurs.
Ce livre[1], écrit en duo par Pierre RECARTE et François TELLIER, par ailleurs membres de l’Association Nivelle-Bidassoa et du CADE, constitue une synthèse réussie des informations indispensables pour saisir toute la problématique qui s’attache au projet d’une LGV de prés de 400km au cœur de l’Aquitaine et Midi-Pyrénées.
Cette ligne à grande vitesse (LGV) voulue par le gouvernement, et cautionnée par plusieurs grands élus régionaux de droite et de gauche, se révèle être tout à la fois un gouffre financier (en ces temps de rigueur…), une ineptie environnementale, une méprise technique au regard du réel besoin des habitants en matière de déplacements.
Les auteurs démontent un à un les arguments des thuriféraires du GPSO montrant l’incohérence du projet qui, à l’examen, ne peut même pas s’appuyer, contrairement à l’opinion répandue çà et là, sur une quelconque décision européenne. On retiendra à ce sujet le doute ressenti par certains membres du parlement européen[2] lors de la présentation de la Charte d’Hendaye[3] par une délégation d’associations puisqu’ils seront cosignataires d’une question au Commissaire Européen aux Transports où est clairement formulée[4] la nécessité « d’ouvrir un débat public uniforme européen sur le modèle du transport et du développement social des territoires sous-jacent au développement des LGV ».
On est loin de l’attitude d’inférence sentencieuse tenue par certains grands élus[5] français qui rejettent en bloc toute négociation et toute concertation allant jusqu’à qualifier les arguments des associatifs de « débiles et d’absurdes » !
Brossant à grands traits les éléments prévisionnels de trafics fret et voyageurs présentés par RFF en appui du GPSO, les auteurs mettent le doigt sur les incohérences, voire les falsifications, qui émaillent le dossier d’étude et qui montrent, comme l’avait déjà dénoncé la Cour des Comptes en son temps[6], que SNCF, et aujourd’hui RFF, ont des prévisions « fragiles, coûteuses et peu cohérentes ».
Face à cette manipulation RECARTE et TELLIER rappellent les différentes études et contre études réalisées par des organismes indépendants[7], qui toutes, s’interrogent sur la validité des prospectives de RFF (SNCF) et dénoncent le choix unique d’un système LGV-TGV qui, par son caractère dispendieux, annihile tout développement du réseau classique voyageurs et la mise en place d’une vraie politique de transport fret alternative au transport routier.
Les rédacteurs de l’ouvrage reprennent en conclusion les éléments principaux des études indépendantes SMA et CITEC qui donnaient un horizon à 50 ans pour une saturation du réseau ferré que d’aucuns, les pro-LGV, envisagent dans les 10 prochaines années !
Faut-il voir le doute prendre finalement forme dans l’esprit de nos décideurs ministériels quand on apprend qu’à mi 2011 le Ministère de l’Ecologie et des Transports commandite un rapport sur le trafic de la ligne Bordeaux-Irun ?
Un peu tard peut être mais qui risque de mettre toutefois le trouble dans l’esprit de nos super technocrates de RFF et des élus toujours sensibles aux sirènes de la Modernité à tout prix.
D’ailleurs les rédacteurs de l’ouvrage font référence[8] aux propos récents du PDG de SNCF (Guillaume PEPY) qui reconnaît aujourd’hui que le « tout TGV » a pu compromettre la capacité de la société ferroviaire quant au maintien d’un service public indispensable (grandes lignes, TER, fret…) pour la grande majorité des citoyens français.
Au-delà du seul pan financier du GPSO, et des autres projets de LGV[9], tous aussi germes d’une dette publique en explosion, ce projet de LGV ne peut recevoir l’onction « développement durable » car il est loin de marier les trois composantes économique/sociale/environnementale qui s’y attachent.
Avec Pierre RECARTE et François TELLIER nous ne pouvons qu’être persuadés que l’avenir environnemental et sociétal des transports passe par le ferroviaire (et le maritime…) mais que les LGV-TGV ne sont pas la bonne réponse à un transport exponentiel non maîtrisé, notamment pour le fret.
Ils parlent de décroissance des transports, de circuits courts, de relocalisation des productions… proposant en filigrane un « autre monde ».
C’est peut être là l’idée majeure d’une recherche de l’adéquation raisonnée pour des infrastructures de transports au service de tous.
Vite lisez Les rails de la déraison. Il vous ouvrira les portes sur « une machine infernale » (les LGV) digne descendant des ratés technicoéconomiques comme le Concorde.
Vous ne pourrez qu’en être enrichis et interpellés sur un projet majeur pour notre avenir et celui de nos enfants.
Jean-Robert THOMAS 22 août 2011
[1] Les rails de la déraison-La très grande vitesse en Aquitaine et ailleurs, Pierre RECARTE, François TELLIER, édition NUVIS, 2001.
[2] Ibid. pages 196-200
[3] La Charte d’Hendaye constitue un manifeste signé par un très grand nombres d’associations françaises, espagnoles et italiennes qui dénoncent toutes le danger social, économique et environnemental des projets de LGV en Europe.
[4] Ibid. page 199
[5] Propos tenus par Alain Rousset dans l’édition du journal Sud-ouest le 14 janvier 2011.
[6] Ibid. page 56
[7] Ibid. pages 51-66. On pourra aussi prendre connaissance des conclusions du rapport RIVIER de l’Ecole Polytechnique de Lausanne en 2005 qui dressait alors l’état du réseau ferré national français.
[8] Ibid. pages 241-243
[9] Que l’on se souvienne des projets de LGV à moyen-long terme envisagés dans le SNIT (près de 4000km de LGV) pour prendre conscience du risque majeur pour notre dette : coût estimé entre 100 et 150 milliards d’euros !