Appel solennel aux élus
L’année 2013 constituera un tournant dans la politique des transports en France.
Souvenons-nous que fin 2012 le gouvernement socialiste nouvellement issu des urnes lançait une large réflexion sur la
pertinence d’un SNIT (Schéma National d’Infrastructures de Transports) bâti par l’ancien gouvernement.
Cette analyse, au cœur de la mission confiée à la Commission Mobilité 21, déboucha sur le rapport présenté à mi-2013 dont les conclusions principales préconisaient
une hiérarchisation des quelques 70 projets initiaux du SNIT avec une priorisation pour la rénovation du réseau ferré existant face à une
inflation de projets de lignes à grande vitesse (LGV).
Si la Commission n’écartait pas totalement un investissement limité dans de telles infrastructures (LGV), elle
l’accompagnait de conditions précises quant à la mise en place par l’Etat de ressources financières pérennes.
Ainsi dans le scénario n°1(financement compris entre 8 et 10
milliards d’euros) les LGV du GPSO (tronçon Bordeaux-Toulouse) ne figuraient qu’en seconde priorité soit, au mieux à l’horizon
2030-2050.
Il faudrait se situer dans le scénario n°2 (financement compris entre 28 et 30 milliards d’euros), et en
seconde priorité, pour voir apparaître la LGV Bordeaux-Hendaye.
Les termes de ce rapport pouvaient être considérés comme réalistes et frappés au sceau du bon sens économique dans la
hiérarchisation préconisée et l’évaluation de la capacité financière d’un Etat sous contrainte de crise économique durable.
Néanmoins, dés juillet 2013, le Premier Ministre choisissait le scénario n°2 avec un plan prévisionnel d’investissement
de 5 milliards/an pour les transports, tous modes confondus.
Il précisait toutefois le 9 juillet 2013 que les quelques 30 milliards d’euros associés à ce scénario s’entendaient
« tous financeurs confondus ».
On devait comprendre que, pour le ferroviaire, au-delà des financements « étatiques » propres venant de RFF
(Réseau Ferré de France) et de l’AFITF (Agence de financement des infrastructures de France), les autres « co-financeurs » (collectivités territoriales, Europe…) seraient appelés à
contribuer financièrement, notamment au travers des contrats de plan Etat-Régions pour 2014-2020 et que la première priorité du gouvernement était « d’améliorer les services et les
réseaux existants ».
Le langage diplomatique propre à nos gouvernants s’épanouissait quand on lisait aussi dans la déclaration du Premier
Ministre que « la priorisation des grands projets sera actualisée tous les cinq ans, pour prendre en compte les nouvelles dynamiques territoriales, les contraintes techniques et de la
saturation du réseau existant, les possibilités de financement par l’Etat, l’Europe et les collectivités territoriales, et le retour à une croissance plus forte qui permettra de
dégager des capacités supplémentaires pour le financement des infrastructures, avec notamment une échéance de réalisation plus courte ».
Hélas depuis 6 mois maintenant les indicateurs (dette, croissance, taux de chômage…) n’augurent pas une embellie sur la
capacité de financement de l’Etat et des collectivités territoriales dans tous les domaines.
De plus la conjoncture politique de ces dernières semaines a enflammé la Bretagne et tout le pays contre une
écotaxe ressentie comme un impôt de
trop.
Or cette écotaxe devait prioritairement abonder le budget de l’AFITF, et par là participer au financement des
infrastructures de transports dont les LGV Bordeaux-Toulouse et, à plus long terme, Bordeaux-Hendaye.
Le piège se referme mais la politique politicienne perdure puisque depuis, en contradiction avec cette évidence
économique, le gouvernement, par son ministre des transports, lâche du lest face au lobbying de quelques grands élus et thuriféraires des LGV.
C’est la décision le 23 octobre 2013 d’approuver le tracé des LGV du GPSO et de lancer la procédure d’Enquête d’Utilité Publique pour Bordeaux-Toulouse et
Bordeaux-Dax (tout en poursuivant les études pour la portion Dax-frontière espagnole). L’EUP devrait intervenir vers mi-2014.
C’est aussi Frédéric Cuvillier qui cède à l’ivresse de la grande vitesse, à
l’occasion de l’inauguration de la liaison ferroviaire directe à grande vitesse Paris-Barcelone le 15 décembre dernier, en décidant d’accélérer la poursuite des études de la branche LGV
Montpellier-Perpignan et en précisant que la ligne serait mixte (voyageurs+fret).
Cette dernière option d’ailleurs, à moins de l’associer exclusivement à des convois de fret à grande vitesse ( ?),
viendrait en opposition avec ce que scande à chaque fois Alain Rousset : on ne peut mélanger trains à grande vitesse et trains de fret sur une même LGV. Comprenne qui pourra !
C’est enfin le 20 décembre dernier que le ministre des transports relance le projet de LGV POCL (Paris, Orléans, Clermont-Ferrand, Lyon) en demandant au préfet coordinateur d’engager l’étape préliminaire à l’enquête d’utilité publique.
On est loin de la modération et du sérieux des recommandations de la Commission Mobilité 21 !
Au train où vont les déclarations officielles de relance des projets de LGV on risque un retour aux erreurs du passé en
matière d’infrastructures ferroviaires à grande vitesse comme on avait pu le constater à l’issue du détournement des initiatives venant du Grenelle de l’Environnement et d’un SNIT établi sans
plan de financement associé.
Plus grave encore pour les finances publiques, au-delà d’une inflation des projets de LGV à près de 30 millions d’euros
au km, on se doit d’alerter nos élus sur les cas d’emploi de fonds publics hors compétence par des agglomérations ou communautés d’agglomération
pour des subventions et financements d’infrastructures ferroviaires d’intérêt national.
C’est ainsi que le rapport d’observations définitives sur les comptes et la gestion de la Communauté Urbaine de Bordeaux
(exercices 2006-2012), rendu par la Chambre Régionale des Comptes d’Aquitaine –Poitou Charente, fait état, dés mi-2013, de 27,738 millions d’euros payés par la CUB à RFF pour la
construction des LGV SEA (Tours-Bordeaux et au-delà).
La Chambre Régionale des Comptes précise à ce sujet (§6.2.2.8) : « Il est exact que les sommes payées
pendant la période en examen l’ont été en application du contrat d’agglomération signé le 22 décembre 2000 par les représentants de l’Etat, de la Région, du Département, de la CUB et de la ville
de Bordeaux en application du contrat de plan Etat-Région conclu le 19 avril 2000. La signature du contrat n’abolit pas pour autant les règles de compétence des EPCI et n’a pas pour effet
de rendre régulières les participations de la CUB au financement d’un équipement d’intérêt national ».
On pourrait s’interroger sur de tels écarts aux règles de compétences des autres EPCI qui financent les LGV SEA et GPSO comme celle de l’Agglomération Côte Basque Adour, la
Communauté d’Agglomération du Marsan, la Communauté de Communes du Grand Dax, la Communauté d’Agglomération de Pau, etc.…
Sans pour autant dénoncer une règle de compétence générale dont pourrait se prévaloir la Région Aquitaine, la même Chambre Régionale des Comptes après
avoir examiné la gestion de celle-ci, prescrivait dans son rapport d’observations définitives relatif à la situation financière de la région Aquitaine : « Sachant que les autorisations de programme concernant les TER s’établissent
à 7,5 millions d’euros en 2011, les 149,25 millions d’euros dédiés aux transports concernent alors pour l’essentiel les participations financières à la construction de la ligne à grande
vitesse Tours-Bordeaux ainsi qu’au Grand Projet du Sud-Ouest (Bordeaux-Toulouse, Bordeaux-Espagne) ».
Il semble que nos élus régionaux devraient réfléchir plus longuement sur la pertinence de telles subventions à des
projets d’infrastructures d’intérêt national alors que les Régions auraient bien d’autres projets à financer dans leurs compétences propres
(éducation, santé, réseau de transports régionaux…).
Alors aujourd’hui, alors que se profilent une EUP sur les LGV du GPSO à mi-2014 et une DUP envisagée dans les 18 mois
suivants, nous voulons attirer l’attention de tous nos élus girondins, et plus largement aquitains, sur le danger que représente l’engagement financier considérable des collectivités
territoriales pour de tels projets.
Ce sont des dizaines de millions d’euros qui seraient demandées aux EPCI aquitaines, et plusieurs centaines de millions
d’euros pour les départements et la région.
A titre d’exemple pour 2013 le budget primitif du Conseil Général de la Gironde budgétait 42 millions d’euros pour la
LGV ; le budget prévisionnel 2014 de la Région Aquitaine inscrit 53 millions d’euros dans le financement de la LGV Tours-Bordeaux
Nous appelons donc tous les élus, maires, conseillers généraux, conseillers régionaux… à une prise de conscience
politique, gestionnaire et responsable en ce domaine qui conditionnera pour des décennies le niveau de pression fiscale sur chaque contribuable.
Pour L.G.V.E.A
Le 9 janvier 2014
Le Président
Jean-Robert THOMAS