Cela doit être dit, l’hebdomadaire « La Vie du Rail » reste une source permanente d’informations fiables et argumentées sur le monde ferroviaire.
Sa lecture attentive révèle souvent les paradigmes qui sous tendent les décisions de SNCF et de l’Etat sur les grands dossiers du ferroviaire.
Elle donne aussi les clefs pour apprendre et comprendre ce qui guide le choix des spécialistes, dirigeants d’entreprises, décideurs institutionnels… pour l’investissement dans les infrastructures ferroviaires.
C’est ainsi que nous profitons de cette manne pour suivre au plus près les dossiers tels que les LGV, TER… sur nos territoires, qui sont au cœur de notre activité associative.
Découvrons donc avec vous quelques informations majeures dans les derniers numéros de La Vie du Rail (LVDR) et portons quelques commentaires en regard des articles cités. Nous les compléterons par des apports journalistiques appropriés.
LVDR n°3530 – 31 juillet 2015
C’est à la fin de l’été que Jacques Rapoport, nouveau président du directoire de SNCF réseau (ex RFF), donnait son analyse sur les grands chantiers du ferroviaire français.
Retards de chantiers, dysfonctionnements entre SNCF réseau et SNCF mobilités, relations SNCF-élus, investissements… Marie-Hélène Poingt a mis sur le gril J. Rapoport dans un long article.
Il avoue ici que la longue période 1997-2014, où SNCF et RFF étaient divorcés par la décision gouvernementale de 1997, a constitué « un système d’organisation inefficace, voire nuisible ».
Les réponses maastrichtiennes du gouvernement Juppé d’alors trouvent là une sentence tardive mais claire. La loi de réforme ferroviaire de 2014 qui réunit à nouveau les opérateurs français historiques au sein de trois EPIC sous chapeautage de Guillaume Pépy, président du Directoire, rétablit une certaine cohérence dans l’opérateur ferroviaire historique.
J. Rapoport donne surtout sa vision de l’investissement SNCF Réseau face aux défis multiples qu’il doit gérer dans les mois, les années à venir.
On voit bien dans les propos de J. Rapoport la limite de l’exercice de jonglerie financière pour SNCF réseau.
Investir près de 5 milliards d’euros dans, tout à la fois, les nouvelles infrastructures LGV (4 chantiers en cours), la rénovation indispensable et prioritaire du réseau existant, mais aussi, sans l’avouer, la charge financière de la dette et des concessions en PPP, constitue un pari impossible surtout en ces temps de disette budgétaire dans les sources de financement (Etat, AFITF).
Le président du directoire de SNCF Réseau pointe bien ce goulet budgétaire pour le renouvellement du réseau en comparant les capacités de financement étatique entre la France (2,5 G€/an), la Grande-Bretagne (3,5 G€/an) et (l’Allemagne (4 G€/an).
La priorité de façade affichée par le gouvernement devrait trouver sa réelle application dans le choix budgétaire pour les prochaines années : pas de LGV, rénovation du réseau existant.
L’utopie moderniste du système LGV/TGV reste d’ailleurs enkystée dans l’esprit de nos dirigeants oligarques comme le démontrent les commentaires d’un long dossier sur Bordeaux présenté dans ce n° 3530 de LVDR.
Delphine Roseau, journaliste à LVDR, convoque plusieurs témoins dans son article « LGV : Quand Bordeaux change d’époque ».
Si l’on ne s’attache pas ici aux transformations multiples, pertinentes ou non, qui modèlent la métropole bordelaise depuis l’arrivée d’A. Juppé (tramway, la transformation des quais, le grand stade, la citée du vin…), on s’attardera quelques instants sur la révolution urbaine associée à l’arrivée de la LGV Tours-Bordeaux planifiée pour mi-2017.
L’OIN Euratlantique s’affiche maintenant ouvertement comme un creuset urbanistique en lien direct avec cette LGV même si cela était durant longtemps esquivé par les promoteurs de l’OIN…
Pierre Coumat, président de l’Observatoire de l’immobilier d’entreprises de Bordeaux (OIEB), nous dit dans LVDR : « …avec l’arrivée de la LGV, nous disposons aujourd’hui des outils pour faire des opérations de taille plus importante pour accueillir les entreprises qui souhaitent bénéficier d’un phénomène vitrine à Bordeaux ».
Toute l’utopie de l’effet structurant de la LGV s’inscrit dans ce commentaire qui est toutefois remis en cause par Jean-Marc Offener, directeur général de l’A-URBA : « Elle n’est en fait qu’un accélérateur, un amplificateur des tendances préexistantes ». Il a été dés 1993 un des seuls à freiner l’euphorie générale des thuriféraires des LGV en condamnant le mythe des effets structurants de la grande vitesse même s’il concède qu’aujourd’hui « …pour Bordeaux les indicateurs sont au vert » et « la LGV arrive au bon moment ».
Alain Juppé ne peut que partager ce sentiment d’optimisme
Il faudra certainement attendre le jugement des faits d’après 2017 pour corroborer l’arrivée de la LGV et son impact causal avec l’essor économique de Bordeaux et tout particulièrement d’Euratlantique.
Car les ambitions primitives de cet OIN dans le domaine de la création d’entreprise et de la génération d’emploi doivent être examinées et confrontées aux réalités constatées.
Quelques exemples qui laissent planer un doute sur l’atteinte des objectifs.
Dans la part de la création d’entreprises et d’implantation d’activités on peut observer que le transfert géographique d’entreprises et de sociétés préalablement implantées en périphérie bordelaise (Mérignac, Pessac…) ou sur la ville (Mériadeck, quartier du Lac…) est loin d’être négligeable.
La Caisse d’Epargne régionale quitte Mériadeck pour s’installer près de la gare St Jean.
Le cabinet d’audit Mazars déplace ses équipes de Mérignac et Floirac pour les regrouper quai de Paludate.
La Compagnie Fiduciaire, le groupe Fayat… autant d’entreprises qui effectuent des regroupements de leurs bureaux, sièges, personnels dans les quelques 738 hectares d’Euratlantique : cela ne constitue pas une aspiration de l’activité et de l’emploi venant hors Métropole Bordelaise.
Stéphan de Fäy lui-même, directeur général de l’OIN Euratlantique, reconnaissait il y a quelques mois que l’arrivée d’entreprises hors région bordelaise n’était pas aisée.
A la question de Mickaël Bosredon journaliste de 20 minutes « Il est précisément reproché à Euratlantique d’attirer essentiellement des entreprises déjà existantes sur la métropole, et donc de ne faire que déplacer l’emploi… », il répondait en biaisant :
« Si Euratlantique se contente de déplacer des entreprises existantes, l’objectif du projet ne sera pas atteint. Je ne cherche pas spécialement à entrer en contact avec des entreprises bordelaises, il faut s’appuyer sur les entreprises qui veulent se lancer, type start-up, ou sur des nouveaux projets de grande entreprise. Après, il y a une réalité: l’immobilier d’entreprises de certains quartiers est obsolète, je pense au quartier du Lac. Ce sont des objets immobiliers qui ne répondent plus aux normes environnementales et qui représentent des charges lourdes pour les entreprises ».
Le directeur général de l’OIN Euratlantique, s’exprimant le 3 février 2015 dans les colonnes de 20Minutes évoquait à la marge, et dans un langage tout diplomatique, le succès d’Euratlantique : « Nous en sommes à 180.000 m2 commercialisés en surface de vente, sur 2,2 millions de m2 à terme. Cinq ans après le lancement de l’opération, c’est remarquable ».
La Caisse des Dépôts (CDC) sise à Bordeaux-Lac migre vers Euratlantique comme nous l’apprend Simon Barthélémy, journaliste à Rue89 Bordeaux.
Catherine Mayenobe, secrétaire générale de la CDC, voit dans ce transfert un désir de relocalisation dans une zone de « tertiaire d’excellence » : on sent ici le vent de la fracture sociologique inhérente aux paradigmes urbanistiques déjà pratiqués en France dans d’autres métropoles.
Par ailleurs, sur le plan de l’emploi local, le déplacement des personnels CDC de Bx-Lac vers Euratlantique ne change rien pour le taux d’emploi de Bx Métropole d’autant plus que CDC n’envisage pas l’arrivée d’équipes venant d’autres régions en réponse à la question de Simon Barthélémy : « Ce choix [le transfert Bx_Lac Euratlantique NDLR] est déjà pour nous une garantie de pérenniser l’activité et de conforter l’ancrage de la CDC à Bordeaux ».
Nous conclurons l’analyse de cette partie en évoquant ici un phénomène tautologique courant qui veut que le souhait, la croyance, apporterait immanquablement la réalisation de l’objet rêvé. Certains croient que décréter une OIN, en l’occurrence Euratlantique, va apporter richesse, emplois… à tous les Girondins. Il faudrait relire les expériences telles que Reims, Lille, Marseille… pour voir que la fée LGV n’apporte pas toujours la Corne d’Abondance.
On devrait consulter ceux qui auscultent l’emploi et l’état sociologique de nos territoires pour s’imprégner de quelques vérités.
Ainsi, dans une étude réalisée par Bécue Mathieu et Virol Stéphane en août 2011 pour la Maison de l’Emploi de Bordeaux, on pourrait lire : « Le territoire « d’Euratlantique » est dans une configuration presque opposée. Avec un taux de création de 27,2%, il s’agit de notre territoire au sein duquel le nombre de nouvelles entreprises rapporté au stock initial est le plus élevé. Néanmoins, plus du quart de ces créations concernent les activités de services administratifs et de soutien, activités dont le taux de survie est le plus faible et pour lequel la proportion d’entreprises devant voir les effectifs augmenter est également le plus faible. Dès lors, nous pouvons considérer que quelques 35% de ces créations constituent un potentiel de croissance de l’emploi à court terme à travers les activités de construction en premier lieu et de commerce de détails en second lieu ».
Quelque citoyen restant anonyme, mais dans une attitude hautement réflective, examine sous l’angle sociologique l’implantation d’Euratlantique, parlant d’aménagement sans ménagement, et porte un regard très critique sur les ressorts flous d’une telle urbanisation : « « Mais qu’est-ce qu’ils font avec le temps qu’ils gagnent ? » « Et si ce temps gagné grâce à la vitesse était inutilisable pour le bonheur ? » Bonnes questions, mais dont nous ne discuterons pas, puisque, dominatrice et totalitaire, la Technique partout s’impose, sans nous demander notre avis ».
Lire cet article paru en avril 2014 dans Rue89 Bordeaux ne peut qu’ouvrir notre esprit à des problématiques qui touchent le plus grand nombre d’entre nous.
Toujours dans le n° 3530 de LVDR Alain Juppé peut pavoiser sur l’impact de la LGV dans le marché de l’immobilier bordelais (p16) : « L’impact est d’ores et déjà perceptible. Le dynamisme de l’immobilier à Bordeaux porte la filière qui souffre au niveau national. L’une des conséquences peut être une pression à la hausse des prix. C’est pourquoi nous portons l’effort sur la réalisation de logements sociaux locatifs ou en accession sociale et sur des offres de logements à prix abordable où, par exemple l’acquéreur se charge des finitions. Dans les zones d’aménagement en cours et en projet, 35% des logements sont des logements sociaux ».
Mr Juppé devrait nous expliquer ce qu’il entend par ces offres immobilières « sociales ». Pour l’acquéreur « social » qui se charge des finitions quel en est le coût et sa charge budgétaire pour ses revenus forcément limités (qualification de logements sociaux oblige) ?
Est-ce que le célibataire, le couple, voire le couple avec enfant, qui est dans cette catégorie « sociale » peut réellement accéder au logement sur Euratlantique, dans un réel concept de mixité sociale ?
Mr Juppé devrait consulter certaines annonces immobilières qui proposent un appartement neuf en immeuble d’une surface de 43m² pour 192000 euros ou un deux pièces de 46m² pour 160000 euros hors frais de notaire !
Peut-on avec Frédéric Brouard, responsable de la communication d’Euratlantique s’enthousiasmer des 3700 logements, 285000 m² de bureaux, 45000 m² d’hotels, 15000 m² de commerces… et d’un dynamisme urbain qui n’est pas prêt de s’arrêter comme le note Catherine Sanson-Stern dans son article de LVDR (p18-19) ?
La « vitrine bobo Euratlantique » pourra-t- elle résoudre l’espoir de mixité sociale claironné par les fondateurs de l’OIN (Juppé, Feltesse, Mamère…) ?
Avec André Delpont, expert conseil Economie/Europe chez Euratlantique, « l’effet d’anticipation est meilleur qu’à Lille à la même période » et l’opération « Bordeaux place financière et tertiaire » à Bruxelles ou Londres est prometteuse pour attirer les entreprises hors territoire aquitain et national (cf. page 22).
L’image est alléchante, la réalité sera-t-elle aussi enchanteresse ?
Autre dossier important abordé dans ce n°3530 de LVDR : la filière TGV française et son sauvetage.
L’industrie ferroviaire française s’alarme d’une baisse de commande de la part de l’opérateur historique SNCF qui, selon elle, mettrait en péril sites industriels et emplois (cf. article p4-6).
L’Etat, par son ministre de l’économie Emmanuel Macron, voudrait pousser Guillaume Pépy, président du Directoire SNCF, à reprendre un carnet de commande sur les bases antérieures, ce dernier voulant lui ajuster les commandes de rames TGV aux besoins de SNCF Mobilités et aux trafics attendus sur les prochaines années.
On lit dans cet article de LVDR : « Si le volume de la commande TGV et les dates de livraison font problème, si le cahier des charges n’est pas défini, le nom du fournisseur, lui, n’est pas inconnu. Sauf surprise colossale, ce sera Alstom »
Le protectionnisme national (s’il n’est pas contesté un jour sur les bancs de l’Europe) favorise à nouveau le constructeur français historique des TGV.
La suite de l’article précise les conditions du contrat souhaité par l’Etat : « L’Etat a mis au point un dispositif acrobatique et baroque, qui a conduit la SNCF à lancer le 4 juillet, sans tambour ni trompette, un appel d’offres à la recherche d’un partenaire d’innovation qui va l’aider à concevoir le nouveau TGV. Une société commune entre l’Ademe et Alstom a remporté ou doit remporter (les versions varient) cet appel d’offres taillé pour elle ».
On découvre aussi dans ce même article de LVDR que les autres nouveaux trains (Intercités, TER) seraient une manne pour Alstom, avec Siemens en embuscade concurrentielle, mais que ces nouveaux trains à « grande vitesse 200-250 km/h » ne pourraient circuler entre les agglomérations qu’à la condition que le réseau soit mis en rénovation et aménagé pour de telles rames.
Notre souhait dans ce domaine, et notre demande constante pour la rénovation prioritaire des voies ferrées existantes face aux visées irréalistes de construction de milliers de km de LGV, trouvent ici leur validation.
Cette opinion voit sa consolidation quand on découvre jour après jour les risques financiers d’une fuite incontrôlée dans le tout système TGV/LGV comme le récent dépôt de bilan de TP Ferro dans sa concession LGV Perpignan-Figueras.
LVDR n° 3535 4 septembre 2015
C’est dans ce nouveau n° de la LVDR que l’on peut parcourir un excellent article sur une nouvelle LGV qui présente la particularité d’être mixte (TGV et trains de fret).
Tiens, il me semblait qu’Alain Rousset nous morigénait quand nous parlions de faire circuler trains à 220 km/h et trains de fret « on ne peut pas faire rouler des trains à des vitesses différentes sur les mêmes voies ! ».
Or dans son article (p6-14) Michel Barberon nous dit que cette LGV du contournement Nîmes-Montpellier (CNM) verra la circulation de TGV et de trains de fret : « La grande particularité de la ligne CNM, c’est donc sa conception d’emblée pour permettre la circulation à la fois de rames TGV et de trains de fret à 100-120 km/h ».
Tiens, tiens, cela est donc possible, comme on a pu l’observer déjà sur le tronçon de 44 km de la ligne Perpignan-Figuéras.
Alain Rousset voudrait-il nous cacher cette possibilité technique pour justifier le maintien de la ligne actuelle Bordeaux-Toulouse et pousser en même temps à la construction de la LGV ?
Thierry Parizot, directeur général d’Oc’Via, maître d’ouvrage de la LGV –CNM, explique la particularité qu’il doit appliquer dans sa construction : « La mixité du trafic est un premier challenge. C’est une donnée d’entrée source de contraintes qui exige de trouver les bons référentiels à appliquer ». Mais le chantier est lancé depuis fin 2013 et la mise en service du CNM doit intervenir en octobre 2017, donc c’est possible.
Reste que cette LGV, comme tant d’autres, a un coût : 2,28 milliards d’euros pour les 60 km entre Manduel et Lattes plus les raccordements au réseau existant (20km) soit environ 28,5 millions d’euros du km. La vitesse coûte cher !
LVDR n°3539 2 octobre 2015
Des trains à grande vitesse (220-250 km/h), et non à très grande vitesse (320 km/h) voilà qui nous ramène au modèle ferroviaire allemand que LVDR nous décrit dans son article « Allemagne ; la DB se recentre sur le rail ».
La Deutsche Bahn prend effectivement un virage stratégique pour se recentrer sur le rail face aux années de dispersion dans le rachat d’entreprises du transport et de la logistique.
Faut-il avoir aussi une stratégie financière pour appliquer une stratégie commerciale.
Ce que peut réussir la DB dans les prochaines années (un réseau ferroviaire en état avec des rames à grande vitesse 220-250 km/h max comme l’ICx de Siemens) pourrait être une voie à suivre pour SNCF et l’Etat français son actionnaire.
Mais aujourd’hui le retard est patent, la dette monstrueuse, les financements en berne.
Marie-Hélène Poingt, journaliste à LVDR, témoigne dans ce numéro de la LVDR du sacrifice annoncé dans le domaine des infrastructures de transports sous la coupe réglée de Bercy (p8).
Philippe Duron, président de l’AFITF, l’agence de financement public du transport, tous modes confondus, espère toujours dans la manne budgétaire provenant des taxes sur le carburant (TICPE) qui pourrait être rognée par Emmanuel Macron. Avec cet apport financier l’AFITF en 2015 abondait son budget et compensait en partie l’abandon de l’écotaxe poids lourds.
En 2016, pour couvrir les dépenses de l’AFITF hors aléas et en limitant celles-ci aux chantiers lancés et décidés, il faudrait au bas mot 2,2 milliards d’euros puis 2,5 milliards d’euros/an sur 2017-2018.
Bercy et la LPFP 2016 devront trancher prochainement mais rien n’est garanti…
On devra tenir compte aussi des projets dispendieux (canal Seine Nord, LGV Lyon-Turin, et des ambitions pharaoniques des grands élus pour des projets LGV tels que Poitiers-Limoges (2 milliards) et GPSO (10 milliards) !
Enfin « l’état de guerre » contre Daesch pourrait vite assécher nos capacités budgétaires déjà sous le joug de 2000 milliards d’euros de dette et détourner pour un moment nos financements dans les infrastructures intérieures.
N’oublions pas aussi l’impérieuse nécessité de rénovation et sécurisation des voies ferrées actuelles si l’on veut se garder, comme le souligne le rapport final du BEA-TT dans l’accident de Brétigny, de catastrophes ferroviaires liées à la détérioration et au manque de rénovation des milliers de km de voies ferrées françaises.
LVDR n° 3540 9 octobre 2015
C’est Michel Garicoïx qui nous informe dans ce numéro de LVDR de la poussée technocratique espagnole pour les LGV. Avec l’arrivée à Palencia et Léon elles s’allongent de 162 km pour atteindre bientôt un total de 4000 km.
On ne doit pas confondre toutefois cette fièvre espagnole pour la très grande vitesse avec les kms de voies nouvelles installées en Pays Basque espagnol qui supporteraient des trains de voyageurs à 200 km/h et du fret ferroviaire vers la frontière française.
Les grands axes de l’AVE (le TGV espagnol) relient les grandes villes (Madrid, Séville, Valladolid, Valence et demain Grenade, Lisbonne…) avec des résultats commerciaux mitigés comme le rapportait Le Figaro déjà en 2010.
LVDR nous apprend que la grande vitesse accapare 3,68 milliards d’euros sur les 5,4 milliards dédiés au ferroviaire espagnol.
Les Echos[1] en mars 2015 montraient que cette priorité d’investissement ne débouchait pas forcément sur une rentabilité associée dans l’exploitation des LGV espagnoles : une étude présentée par FEDEA en mai 2015 concluait pour la grande vitesse ferroviaire espagnole qu’elle présentait « une rentabilité financière clairement négative (...) et pas une des lignes existantes n'aurait dû être construite ».
Verra-t-on dans quelque temps cette « bulle ferroviaire » exploser comme a explosé, il y a quelques années, « la bulle immobilière espagnole » ?
Le réveil risque d’être douloureux pour le peuple espagnol.
Alors posons-nous la question avec François Dumont, directeur de la rédaction de LVDR, si les LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax ne seraient pas, en France, les LGV de trop ?
Dans son article (p4-5), il dissèque les décisions prises, ou attendues, sur ces LGV du GPSO après le dépôt de l’avis (défavorable) de la Commission d’enquête sur l’EUP des LN de ce projet à près de 10 milliards d’euros.
L’annonce d’Alain Vidalies le samedi 26 septembre dernier a relancé le débat entre tenants et opposants au GPSO : « J’ai averti aujourd’hui Alain Rousset, Alain Juppé et Martin Malvy de la décision prise par le gouvernement de continuer la procédure GPSO (Grand Projet du Sud-Ouest) sur les deux lignes vers Toulouse et vers Dax, sur laquelle la commission d’enquête publique avait émis un avis négatif ».
Il fallait bien lire « décision du gouvernement [en fait d’Alain Vidalies comme le montrera le silence politique de Manuel Valls et Ségolène Royal dans les semaines suivantes] de continuer la procédure » et non décision du gouvernement de construire les LGV du GPSO, comme l’a relayé la presse et comme l’ont claironné les grands élus cités plus haut.
François Dumont s’étonne à juste titre d’une telle annonce et d’un éventuel lancement du projet notamment au regard « de l’étape précédente et toujours en cours, Tours-Bordeaux, ou SEA, … extrêmement délicate à mettre en œuvre ».
Avec un montage financier non bouclé à ce jour, une forte contribution des collectivités territoriales non assumée, un bilan prévisionnel d’exploitation du concessionnaire très incertain… la question est d’actualité !
Etonnement aussi du rédacteur de LVDR sur la surdité apparente du gouvernement socialiste et de certains grands élus quant aux apports des réflexions successives venant des Assises du Ferroviaire, des analyses du Cercle des Transports, de la Commission Mobilité 21, de la Cour des Comptes… qui concluent majoritairement sur une doctrine évidente : « l’essentiel du réseau à grande vitesse a été réalisé, et les financements doivent être mobilisés pour remettre à niveau le réseau et le moderniser ».
Il évoque aussi la réflexion nécessaire, mais laissée de côté actuellement (Emmanuel Macron et Alstom-Bombardier n’enfourchent pas naturellement ces options pourtant pleines d’avenir), sur des trains à grande vitesse (220-250 km/h) qui viendraient s’intercaler entre les TGV actuels et les TER pour une réelle innervation des territoires.
Gilles Savary cité dans cet article de LVDR tance les décisions gouvernementales au regard d’une dette du ferroviaire en explosion, du refus d’examiner les solutions alternatives aux LGV/TGV, aux dépenses faramineuses jusqu’alors ignorées pour des projets comme le Canal Seine Nord ou la LGV Lyon-Turin !
SNCF tremble devant des décisions gouvernementales sur Tours-Bordeaux et le GPSO car elle voit poindre un déficit d’exploitation de SNCF Mobilités difficile à combler avec l’augmentation des péages, la chute des voyageurs et conséquemment de la rentabilité de ses TGV, la dette abyssale (44 milliards d’euros), l’obligation sécuritaire d’une rénovation du réseau existant…
Les élections régionales de début décembre sont en toile de fond du dossier GPSO dans la nouvelle grande « Région Aquitaine ».
Face à un déni de démocratie permanent dénoncé par des milliers et des milliers d’Aquitains depuis des années (les viticulteurs du Sauternais viennent les rejoindre ces temps-ci) il n’est pas sûr comme l’écrit le député PS Gilles Savary que ce soit la bonne option politique à terme : « Des régions on va en perdre et je pense même que cette décision va nous faire perdre plus de voix qu’elle va nous en faire gagner ».
Rousset entends-tu ?
LVDR n° 3540- 16 octobre 2015
Cette sagesse socioéconomique est d’autant plus impérative que certains (grands) élus comme Alain Juppé restent dans un modèle abscons et un discours
C’est ainsi qu’hurlant avec les loups le président de Bordeaux-Métropole réclame, comme toute une cohorte d’élus de tous bords aveuglés et ou bernés par les propos de l’Etat, de RFF et de LISEA, des navettes TGV en nombre sur Paris-Tours-Bordeaux en contradiction flagrante avec l’équation économique minimale pour le citoyen/contribuable/usager.
Si l’Etat cède au chantage de ces derniers c’est l’ouverture d’un gouffre dans la perte d’exploitation de SNCF, avec en corollaire, un accroissement de sa dette (la nôtre par la même occasion) et un probable renchérissement substantif du prix du billet TGV pour l’usager.
LVDR n° 3543 – 30 octobre 2015
Notre actuel président de Région Aquitaine devrait écouter en particulier Gilles Savary, membre de son comité de soutien aux Régionales des 7 et 13 décembre prochains.
Ce dernier confronte ses idées avec celles de l’ancien secrétaire d’Etat aux Transports, Dominique Bussereau, et le match est assez musclé dans l’argumentaire.
Aux litanies éculées de D. Bussereau (Toulouse 4ème ville de France doit avoir sa LGV, il faut une LGV entre Bordeaux et l’Espagne car c’est une ardente obligation et cela complète la liaison ferrée LGV entre Perpignan et Barcelone… !), G. Savary déroule des faits établis, et une expérience du milieu ferroviaire français et européen, qui distancent rapidement l’ancien secrétaire d’Etat aux transports de F. Fillon.
G. Savary rappelle les enseignements des commissions, rapports d’études… qui, depuis des années maintenant, alertent, comme le préconisait l’EPFL[1], sur « la réorientation de notre politique d’infrastructures ferroviaires au profit de la régénération du réseau ».
Le député de la 9ème circonscription de la Gironde, socialiste affiché par ailleurs, va jusqu’à parler en ces temps de campagne électorale de « grande braderie LGV » et de « bal de promesses de la campagne électorale » : Alain Rousset pourrait s’en inspirer lui qui reste droit dans ses bottes, englué dans un discours pseudo néo moderniste pour la Très Grande Vitesse ferroviaire.
G. Savary dénonce lui « …une obstination française pour un train techniquement remarquable dont le modèle économique devient cependant un boulet, surtout quand il est utilisé en cabotage comme on en fait la promesse aux élus locaux pour leur extirper une participation à l’investissement ».
On ne peut mieux condamner le modèle TGV/LGV poussé au-delà de sa pertinence et se rappeler les sombres annonces de sa faillite avec le dossier de la LGV Perpignan-Figuéras et les bras de fer, menaces de fermeture du crédit bancaire, chantage envers SNCF… qui émaillent les annonces sur la LGV Tours-Bordeaux[2].
G. Savary, spécialiste européen des transports, peut aisément rappeler que la France s’enferre dans un modèle ferroviaire à Très Grande Vitesse qui n’a plus cours en général en Europe (on peut citer l’Espagne qui toutefois a trop persisté jusqu’alors dans ce modèle et qui en pâtit aujourd’hui). L’Allemagne, toujours elle, a beaucoup investi dans son réseau où circulent des trains à Grande Vitesse (< 250 km/h) répondant aux souhaits des usagers.
L’Angleterre, après une période noire découlant d’une privatisation sauvage de son réseau ferré, réinvestit aujourd’hui 4 milliards de livres.
Le prestige, le concours d’amour propre, de quelques grands élus semblent bien être une tragique erreur pour le député Savary.
Puisse ce message venir influer sur les décisions des responsables politiques de demain dans les Régions et au gouvernement.
LVDR – 13 novembre 2015
Alain Vidalies, secrétaire d’Etat aux transports, est sous pression.
Il doit tout d’abord statuer sur les propositions antagonistes de LISEA et de SNCF après la mission de conciliation donnée à l’ancien ministre Jean Auroux : il tranche pour 16,5 dessertes quotidiennes entre Paris et Bordeaux sur la nouvelle LGV. Cela ne satisfait aucune des parties SNCF prévoyant un déficit d’exploitation, LISEA disant ne pas atteindre une rentabilité indispensable satisfaisant aux exigences bancaires pour ses emprunts.
Il relance d’autre part le projet d’autoroute ferroviaire Atlantique qui, après l’enquête d’utilité publique avec avis favorable, n’avait pas été retenu par lui parce que "l'équilibre total de ce dossier a amené à constater qu'il y avait des conséquences pour les populations, que ce projet n'était pas financièrement équilibré, qu'il y avait un gros risque pour l'Etat" (cf. actu-environnement.com).
Le Conseil Général à l’investissement avait lui évoqué un projet à rentabilité négative !
Volte face du secrétaire d’Etat où l’on devine en arrière plan le lobbying des grands élus, de certains écologistes dogmatiques et des acteurs du ferroviaire (la FNAUT, Lorry Rail…). Même si le projet d’autoroute ferroviaire Atlantique annonçait le transport de 85000 poids lourds/an par le rail on doit se rappeler que l’autoroute ferroviaire Perpignan /Luxembourg ne présente pas une rentabilité suffisante selon la Cour des Comptes avec seulement 36500 camions transportés en 2011 : pourquoi poursuivre dans un système peu performant où des remorques sont mises sur wagons alors que la logistique performante serait d’utiliser des conteneurs normalisés ?
Déjà en 2010 le trafic routier poids lourds à la frontière espagnole de Biriatou atteignait plus de 3 millions/an : que penser d’infrastructures ferroviaires, et de systèmes logistiques, dispendieux qui ne capteraient que 1/100 du trafic ?!
LVDR n° 3554 – 15 janvier 2016
La menace terroriste dans les transports inquiète et oblige le gouvernement à des mesures jamais prises jusqu’alors.
A ce titre contrôles et portiques aux montées dans les trains deviennent courants et grignotent les temps de trajets bloc à bloc du ferroviaire.
Le couple TGV/LGV supporte ainsi des attentes en gare qui obèrent les avantages liés à la grande vitesse. C’est ce que l’on peut lire dans LVDR dont nous donnons l’article complet signé Ch. B. ci-dessous.
[1] EPFL : Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne
C’est dans ce même numéro 3554 de LVDR que Patrick Laval nous apprend que la SNCB (Société Nationale des Chemins de fer Belge) vient de passer commande à Bombardier-Alstom de 1362 voitures.
Alors que l’actualité économique et industrielle résonne des difficultés d’Alstom après la cession de son activité énergie à Général Electric, on voit là une opportunité pour notre entreprise française d’intégrer de nouveaux marchés.
Ceci est d’autant plus remarquable qu’Alstom a longtemps été une entreprise ferroviaire mono client avec la SNCF (et l’Etat) nourrice bienfaitrice. Il y a peu encore Alstom réclamait à l’Etat des commandes de TGV que SNCF n’envisageait pas avec la baisse observée dans ce type de transport et son parc pléthorique de rames TGV.
De plus la commande de SNCB porte sur des rames à deux niveaux de type M7 aptes à 200 km/h sur les lignes principales belges.
Voilà donc un matériel compatible très certainement avec une implantation sur lignes classiques françaises réaménagées comme on le souhaite en alternative aux LGV du GPSO.
Verra-t-on enfin nos responsables étatiques du transport s’inquiéter d’une stratégie LGV/TGV dépassée et s’engager dans une refonte profonde du ferroviaire français pour des liaisons passagers à 200-220 km/h qui répondraient pour beaucoup aux souhaits majoritaires des usagers ?
LVDR n°3556 29 janvier 2016
Brétigny n’en finit pas de se rappeler à nous et d’apporter semaine après semaine son lot d’omissions, voire de mensonges, sur les circonstances de cet accident ferroviaire dramatique.
Laissons la justice démêler le vrai du faux mais Chantal Blandin rappelle dans un article de LVDR que trois cheminots viennent d’être placés sous le statut de témoins assistés dans cette affaire. Face à cette décision le secrétaire général de la CGT Cheminots mets en garde : « Attention à ne pas faire porter la responsabilité de la catastrophe à des agents de la production alors que toutes les enquêtes conduites ont montré que c’est la chaîne globale de sécurité qui a failli ».
L’enquête judiciaire en cours viendra infirmer ou confirmer cette annonce de la CGT.
Dans le cas où elle confirmerait une défaillance globale de la SNCF cela devrait remettre en lumière ce que beaucoup, dont nous mêmes, dénonçent depuis longtemps, à savoir un abandon irresponsable de l’Etat durant des décennies (et de par son EPIC SNCF) du réseau classique au profit du tout LGV/TGV.
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En conclusion nous ne pouvons que saluer la qualité journalistique de la Vie du Rail et constater que sa lecture enrichit fortement notre réflexion dans les dossiers techniques et économiques liés au ferroviaire.
Nous tenterons de nous faire l’écho de ces précieuses informations dans d’autres articles sur notre blog.
Bonne lecture.
Pour LGVEA Le Président Jean-Robert Thomas