Revue de presse Novembre 2011
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Le gouffre du financement des LGV
De partout ces temps ci des voix se font entendre pour dire que le financement des milliers de km de LGV relève d’une utopie pouvant aller jusqu’au collapsus économique.
Ces critiques s’inscrivent au niveau européen et mondial ce qui conforte notre certitude quant au choix d’un aménagement des voies existantes, seul choix réaliste pour conserver un réseau ferré opérationnel dans un environnement économique sous perfusion.
Ainsi le gouvernement espagnol estime que le tronçon LGV en Navarre coûte trop cher et décide qu’il ne le financera donc qu’en partie.
Les Pays-Bas constatent que leurs LGV sont aussi dans le rouge : les coûts de construction explosent obligeant le gouvernement à abonder à nouveau pour sauver la LGV Amsterdam-Anvers (+ 300 millions d’euros) mais avec la contrepartie d’une privatisation de lignes régionales !
En France Le Moniteur parle de « schizophrénie budgétaire » pour répondre aux besoins pharaoniques de financement du Schéma national des Infrastructures de Transports (SNIT) que le gouvernement vient de remanier une nouvelle fois mais qui culmine aujourd’hui à 245 milliards d’euros. On n’y parle plus d’un SNIT monolithique mais d’une hiérarchisation des projets qui devront être adaptés au nouveau contexte économique et financier : c’est ce que l’on peut lire en avertissement de la version du SNIT publié sur le site officiel du Ministère.
Assiste-t-on enfin à un début de clairvoyance des décideurs face au grand écart entre l’utopie progressiste de quelques grands élus et l’étau financier qui se resserre un peu plus chaque jour sur la France ?
C’est par le même Ministère des Transports, dans le débat actuel des Assises du Ferroviaire, que transparaît le danger d’un « Titanic des LGV » si l’on devait maintenir les feux d’une technologie qui dévore la majorité des budgets ferroviaires au détriment du maintien et de la préservation du réseau classique. On relève qu’ « au-delà des LGV en cours de réalisation, l’engagement de nouveaux projets doit s’inscrire dans le cadre d’une programmation garantissant au préalable le financement du maintien et de la modernisation du réseau existant ».
Si l’on observe çà et là quelques avancées en ce sens on est encore loin d’une gouvernance responsable de ceux qui nous gouvernent ou qui aspirent au pouvoir dans les prochains mois.
Lobbies et démagogie : un cercle infernal
Car les lobbies des grands travaux et du BTP sont toujours à la manœuvre et de nombreux élus sont toujours sensibles à ces sirènes.
Alors que Nicolas Sarkozy, inaugurant un tronçon de la LGV Rhin-Rhône, sans donner de garanties sur son financement final, promet « d’investir comme jamais dans le train », le candidat socialiste à l’élection présidentielle déclare « être favorable à la LGV » pour le barreau TGV Poitiers-Limoges (inclus dans la LGV SEA). On peut sourire (ou rire jaune plutôt) quand il poursuit en précisant : « Mais le Conseil général de la Corrèze ne peut en aucune façon participer au financement de cet ouvrage, je le dis franchement. Ce n'est pas sa compétence. Et il n'en a pas les moyens ». Facile… !
Transport-Développement-Intermodalité-Environnement (TDIE) organe de lobbying dirigé par des politiques et des industriels vient d’émettre un avis sur le SNIT.
Il recommande de « finaliser les LGV susceptibles d’être achevées en 2020 en priorisant explicitement les liaisons dotées d’un potentiel d’exploitation » mais aussi de « développer des liaisons rapides et fréquentes entre les grands pôles français (Ile de France et métropoles régionales) et les pôles européens et mondiaux ».
Ceci résume bien ce que nous dénonçons comme un racket politico-industriel qui verrait les grands groupes du BTP et des transports bénéficier de la manne publique pour le seul avantage des grandes métropoles et de quelques privilégiés.
Reconnaissons toutefois que TDIE évoque par ailleurs quelques réflexions que nous voudrions voir plus clairement reprises par les instances en charge des études sur les LGV : « le choix de la vitesse ferroviaire (220 km/h ou 320km/h) a un effet très fort de renchérissement du coût du génie civil, pour des gains de temps qui ne sont pas forcément justifiés ».
A cela il faut rajouter l’imbroglio des promesses faites de concert entre RFF et des institutionnels (préfets, CCI…). On annonçait des emplois à la pelle et des retombées pour les entreprises locales ; on constate aujourd’hui que tout reste dans le flou et que les grands gagnants restent les majors du BTP. Ainsi les PME de Charentes-Poitou dénoncent un miroir aux alouettes qui, pour les travaux de la LGV Tours-Bordeaux ne laisse que quelques miettes de la manne aux entreprises locales.
Plus près de nous des élus en promesses électives, même si certains comme François Deluga ont pu manifester à certains moments une réticence face aux projets de RFF pour le GPSO, ne refusent pas une LGV en Sud-Gironde et restent ambigus : « Je continue à être contre, mais il faut être présent pour défendre les territoires et obtenir des contreparties extrêmement importantes, dans les cantons du sud et dans ceux de La Brède et Podensac ». On ne sera pas plus soutenus par son concurrent et collègue du PS, Gilles Savary, par ailleurs grand officiant des programmes de LGV au Conseil Général et aux Assises du Ferroviaire, quant on voit l’ambiguïté de ses propos récents dans les colonnes de Sud-Ouest. Enfin n’attendons pas grand-chose non plus de l’autre côté de l’échiquier politique puisque le « centre droit », comme on a pu le lire depuis longtemps dans les interviews de François Bayrou, avalise les LGV et ne souhaite que des « aménagements » pour que les lignes « contournent des paysages et des tracés assez sensibles ».
Pendant ce temps les études se poursuivent…
Pendant que politiques et instances économiques débattent sans fin sur un futur radieux d’une France sous la férule des marchés, RFF poursuit son travail de technocrate.
Après avoir fait entériner les fuseaux par le Ministre fin 2010 il prévoit de présenter le tracé du GPSO à la signature de Nathalie Koscuisko Morizet tout début 2012.
Pour le Sud-Gironde en particulier celui-ci confirme les options antérieures dans la branche commune Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Espagne. Ainsi la connexion voies actuelles / LGV s’inscrit dans un triangle ferroviaire dés la sortie de Saint Médard d’Eyrans sur le territoire d’Ayguemorte-les-Graves. La ligne nouvelle devrait filer vers le sud sur les communes de Beautiran, Castres-Gironde, Portets, Saint Michel de Rieufret...
Mais comme l’affirme le dicton « un train peut en cacher une autre » RFF pousse aussi, sous la conduite de l’Autorité Organisatrice des Transports (AOT), en l’occurrence la Région Aquitaine avec les TER, pour une refonte complète des voies existantes entre Bordeaux et Saint Médard d’Eyrans.
Ce faisant c’est l’ajout d’une troisième voie classique aux deux existantes qui viendrait couper le milieu urbain de toutes les communes : à cela il convient de rajouter la modification des gares existantes ou la construction de nouvelles, la création d’une quatrième voie au droit de ces gares, la fermeture de tous les passages à niveaux, la création de réseaux routiers de déviation…
Des travaux gigantesques durant des années avec un coût non encore annoncé mais assurément des nuisances pour tous les habitants pour des décennies.
Nous ne serons pas les seuls à subir de tels dégâts sur les 400 km du GPSO comme en témoigne l’exemple des ouvrages prévus pour la LGV dans un village des Landes où les TGV passeraient sur des remblais jusqu’à des hauteurs de 16 mètres !
Enfin n’oublions pas l’expérience vécue actuellement par les habitants du Nord Gironde face aux nuisances qui débutent avec les travaux de la LGV Tours-Bordeaux : le bruit ferroviaire sera sans doute au centre des débats dans les mois et années à venir et nous savons que la bataille sera rude pour convaincre RFF d’aller au-delà de la simple réglementation[I] qui autorise des niveaux de 60dB en moyenne.
Toutefois la contestation ne faiblit pas
On pourrait croire au vu des infos ci-dessus que tout est dit et que nous devons subir.
Or il n’en est rien car jour après jour des signes forts viennent appuyer ceux qui ne désarment pas et qui lutte contre ces projets aussi inutiles que dispendieux.
On remarque tout d’abord que certains élus locaux, pourtant conquis initialement par le « progrès de la Grande Vitesse », commencent à ouvrir les yeux sur la manipulation et les fausses promesses des instances organisatrices des LGV (Etat, préfets, RFF…).
Ainsi l’exemple de la sortie de Jean Dionis contre les projets techniques de traversée de la LGV Bordeaux-Toulouse dans l’agglomération agenaise : « on se fout de nous ! ».
La communauté d’agglomération d’Agen a donc refusé le tracé de RFF comme le rapporte La Dépêche du Midi.
D’autres élus avaient depuis un certain temps compris le danger d’une LGV dans leurs territoires et le besoin de se forger une opinion indépendante avant de s’engager dans le financement de tels projets. C’est le cas du collectif rassemblé sous la bannière de l’association Alternative LGV forgée en Lot et Garonne et qui a reçu depuis l’appui d’un grand nombre d’autres élus locaux sur le trajet Bordeaux-Toulouse. Il vient de faire état des résultats d’une étude indépendante menée conjointement par deux cabinets indépendants (AC2I et Claraco) sur la pertinence technico-économique d’une alternative (l’aménagement des voies existantes à la circulation de TGV) au projet de LGV de RFF.
Les premiers éléments dévoilés dans la presse (l’intégralité de l’étude devrait être diffusée prochainement) sont marquants : l’aménagement des voies existantes permettant la circulation de TGV à des vitesses commerciales réalistes (220km/h ?) dans des conditions de sécurité renforcées (suppression des passages à niveaux) permettrait, pour un coût maximal de 2,5 milliards d’euros (à comparer aux 7,2 milliards prévus par RFF), de relier Bordeaux à Toulouse avec un écart de seulement 6 minutes sur le temps de parcours annoncé avec la LGV !
En Gironde les opposants à la LGV revendiquent lors d’une séance du Conseil Régional pour l’aménagement des voies existantes.
A Saint-Pée-sur-Nivelle c’est le conseil municipal qui refuse une LGV « considérée comme une solution ruineuse, destructrice tant sur le plan humain qu'économique ».
Dans les Landes les associations (ACCRIL et SEPANSO) répondent toutes deux aux attaques de la maire de Saint-Paul-lés-Dax pour dénoncer l’absence de concertation de RFF et s’interrogent sur des élus landais qui seraient des « despotes éclairés qui veulent faire le bonheur du peuple contre sa volonté ».
Enfin n’oublions pas que nous serons confrontés de plus en plus à la limitation du financement public pour de telles infrastructures et que les décideurs devront bien prendre en compte cette contrainte principale. C’est ce que reconnaît Patrick Stéphanini, préfet d’Aquitaine, en disant que « les finances sont sous une contrainte extraordinairement forte » mais nous aurons certainement à y revenir dans les prochains mois.
Bonne lecture et ne manquez pas d’aller régulièrement sur le site du blog de LGVEA pour prendre connaissance de toutes les informations sur l’action de l’Association, les nouvelles du GPSO et des autres LGV, et d’une manière générale sur tous les sujets liés à la démocratie participative si importante pour faire entendre votre voix.
Jean-Robert Thomas 29 novembre 2011
[I] On pourra consulter un article sur le blog de LGVEA qui explicite les dangers du bruit ferroviaire et les limites de la réglementation actuelle http://lgvea.over-blog.com/article-silence-la-lgv-arrive-65459085.html