Revue de presse Octobre 2011
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Financement des LGV : info ou intox ?
Depuis l’inauguration en grandes pompes d’une portion de la LGV Rhin-Rhône par N. Sarkozy début septembre la presse relaie maintes informations contradictoires sur notre capacité à financer de telles infrastructures.
Les plus optimistes, mais pas les plus réalistes, s’accrochent aux dires d’hommes politiques ou de lobbies du couple TGV/LGV.
C’est ainsi que la Commission Européenne envisage « un coup d’accélérateur » au GPSO quand J. M. Barroso dit : « Nous allons compléter les réseaux d’infrastructure en Europe en construisant enfin les maillons qui leur manquent ». Toutefois elle conditionne son aide à une réalisation du Corridor Atlantique (Paris, Madrid, Lisbonne) avant 2030.
Cet impératif vient en conflit avec la prudence exprimée au nord des Pyrénées quand le gouvernement envisage maintenant d’avoir l’avis d’un Observatoire des Trafics pour lier son engagement de réalisation du GPSO en Pays Basque à l’horizon de la saturation des lignes existantes.
Le chef de l’Etat lui-même peut bien claironner que la France fait « un effort sans précédent » pour les LGV, les membres de sa majorité ne sont pas tous béats devant cette annonce, tel Hervé Mariton qui dénonce le manque de financement pour les infrastructures ferroviaires (dont les 2000 km de LGV) dans le Grenelle de l’Environnement et le SNIT.
La Vie du Rail, hebdomadaire de référence qui ne peut être taxé d’opposant au rail, apporte sur ce point[I] une précision qui peut doucher un peu les grandes envolées pour le tout LGV. Le journaliste Pascal Grassart relève que l’inauguration du 8 septembre se limite à l’une des trois branches prévues au final pour l’axe Rhin-Rhône et que les Régions participant à son financement demandent au chef de l’Etat de s’engager avant fin 2011 sur un protocole d’intention de financement impliquant RFF et l’Etat pour le reste du projet. Certains doutent que cette échéance soit tenue comme Marie-Guite Dufay (présidente de région Franche-Comté) quand elle déclare : « Et si le président ne répond pas à notre appel, je crains un enterrement de première classe [NDLR pour la LGV] ».
Plus prés de nous les instances préfectorales, pourtant chargées de relayer la volonté gouvernementale pour la construction du GPSO, semblent décontenancées devant les sommes engagées en ces temps difficiles. C’est ce qu’il ressort de l’interview de Bernard Schmeltz, préfet du Lot et Garonne, dans Sud-Ouest quand il reconnaît, qu’au regard de la crise financière, il convient de prendre en compte l’investissement d’une telle opération « son financement n’est pas simple ». En Aquitaine où la contestation gagne même les élus ces derniers rechignent de plus en plus à entériner les décisions autocratiques du président de Région : on pourra voir que le torchon brûle en prenant connaissance des réticences de Monique de Marco (groupe EELV) sur la politique budgétaire d’Alain Rousset Ce n’est pas l’entrefilet inséré dans une autre édition de La Vie du Rail qui peut porter à l’optimisme sur le financement étatique du ferroviaire français quand on y lit que l’association TDIE[II] prévoit qu’il manquera 2,1 milliards d’euros à l’AFITF[III] pour financer les projets d’infrastructures entre 2010 et 2014.
Dans ce contexte, et comme nous le dénonçons souvent sur notre blog, nous pouvons voir là l’exemple même d’une dichotomie complète entre les rêves de grandeur de quelques élus et la capacité financière des différentes structures (Etat, Régions…) à répondre aux besoins qui atteignent plusieurs dizaines de milliards, voire 150 milliards si l’on veut construire 2500 à 4000 km de LGV comme l’évoque le SNIT. Surtout que l’on peut craindre des surcoûts à terme quand on apprend[IV] que le barreau sud de l’Ile de France pourrait, dans son option de 31km, coûter 3,3 milliards d’euros, soit plus de 100 millions d’euros du km !
On se rappelle d’ailleurs que la dette de l’Etat dépassant 1600 milliards d’euros, et celle de RFF presque 30 milliards, il semble bien irréaliste d’imaginer poursuivre des projets technologiques pharaoniques relevant du modèle des Trente Glorieuses.
Ce dilemme d’endettement frappant conjointement l’Etat et le principal artisan des infrastructures ferroviaires, RFF, fait dire à la Vie du Rail[V] de ce dernier qu’il joue peut être un double jeu face à sa soumission étatique et aux exigences des élus.
Ainsi peut-on lire : « Vive la dette ! Réseau Ferré de France est confronté à une équation impossible : développer le réseau sans creuser son énorme dette, alors que ses recettes sont inférieures à ses dépenses. Et l’on rêve d’une solution à l’allemande : outre-Rhin, l’Etat a purement et simplement apuré la dette. Mais la France rechigne à faire de même, et, en pleine crise, la solution est moins que jamais à l’ordre du jour. Tant mieux, semblent penser certains responsables du gestionnaire français des infrastructures. Car tout élu dont le territoire n’est pas desservi par la grande vitesse se sent lésé. Un RFF désendetté aurait beaucoup de mal à repousser les projets ruineux. La dette est un boulet. Elle est aussi un garde-fou ».
Devant cette montagne de difficultés financières pour la France qui peine à remettre à niveau son réseau ferré on peut être confondu en lisant qu’elle abonde d’environ 1 milliard d’euros pour la LGV marocaine de Casablanca-Tanger qui est pourtant décriée au sein même du Maroc.
LGV-TGV versus TER
L’annonce de la SNCF a fait l’effet d’un coup de tonnerre pour les usagers du train : à partir du 11 décembre prochain, et pour de nombreux mois (années ?) des centaines de trains vont voir leurs horaires modifiés.
Cela pourrait passer pour négligeable si les dégâts collatéraux n’étaient pas aussi conséquents pour les usagers. En effet la modification des horaires est évoquée pour permettre tout à la fois la mise en place du cadencement des TGV et TER, mais aussi pour doubler (500>>1000km/an) l’indispensable rénovation des voies existantes.
Cette dernière, délaissée par l’Etat depuis des décennies, était devenue incontournable si l’on ne voulait pas à moyen terme, comme le concluait le rapport Rivier de 2005, menacer la pérennité du réseau classique.
Reste que l’amalgame du cadencement des TGV et TER n’est toujours pas expliqué par les pouvoirs publics et que sa mise en place, conjuguée à l’accélération de la rénovation, engage la France, à l’aube de l’hiver, dans un inextricable et dangereux jeu d’équilibriste pour la planification des horaires de nos trains.
Déjà la grogne s’installe auprès des usagers, et par répercussion auprès des élus locaux, qui dénoncent ces changements car ils conduisent à d’innombrables manques de correspondances qui vont contraindre souvent les usagers à voir leur temps de trajet augmenter de quelques minutes à plusieurs dizaines de minutes. Pour certains ces modifications d’horaires pourraient les conduire à des manquements graves de ponctualité pour leurs employeurs ou à une refonte importante de leur agenda et budget (dormir hors de chez soi). Enfin les modifications d’horaires laissent la place parfois à des suppressions pures et simples de trains. On ne pouvait plus mal tomber en ces temps de crise !
Alors ne peut-on pas constater que l’incurie de nos dirigeants successifs pour maintenir un réseau classique en état, et leur schizophrénie technologique dans la promotion exclusive du couple LGV/TGV, ont capté l’essentiel des moyens humains, techniques et financiers à l’essor de ce dernier au détriment du « train pour tous » ?
Entre contestation, consultation et concertation
Cette contestation qui enfle chez l’usager du train s’étend dans la population et chez les élus qui sentent que les LGV sont avant tout un aspirateur à finances, un destructeur d’espace et un ersatz au développement de l’emploi.
Sur ce dernier point Michel Boutant, président du Conseil Général de Charente, vient d’en faire la douloureuse expérience quand il constate le non respect des promesses du contractant de la LGV Tours-Bordeaux : Coséa et ses partenaires s’attribuent la majorité des lots de travaux publics pour lesquels les entreprises locales s’attendaient à une part conséquente en retour du financement de la LGV par les collectivités locales.
Mais déjà pour le GPSO la liste des déçus s’allonge alors que la LGV n’est toujours qu’en étude.
Les viticulteurs de Cadillac, soutenus par le CIVB, viennent d’obtenir l’annulation du PLU de la commune qui aurait permis l’amputation de 48ha de vignes AOC par l’urbanisation et ils entendent surveiller toute nouvelle attaque du terroir viticole comme par exemple la LGV du GPSO. Un exemple à retenir pour nos viticulteurs des Graves.
La LGV, et son effet de métropolisation pour les grosses agglomérations (Bordeaux…), fait craindre aux élus locaux la poursuite du délabrement des infrastructures classiques. A ce titre ils s’inquiètent de l’abandon continu des gares locales comme celle de Talence-Médoquine comme le confirme Noël Mamère quand il dénonce « un problème de choix avec une ligne à grande vitesse dispendieuse en argent public et qui déstabilise toutes les gares de proximité ».
Il faudra rappeler peut être à nos élus, tous bords politiques confondus) qu’il conviendra de réfléchir aux choix pertinents pour les Aquitains (LGV ou trains classiques) car l’adoration du TGV, si souvent encore dans leurs yeux comme le « veau d’or » qui va booster le développement de leur commune (et favoriser leur réélection…), peut conduire à des non-sens comme celui de la Chambre de Commerce d’Industrie de Cognac qui voudrait obtenir aujourd’hui une gare-bis TGV (+ 50 millions d’euros) alors que la LGV desservira Angoulême à quelques km de là : le maire de Cognac refuse cette proposition car il y voit une fragilisation du réseau TER sur sa commune.
Plus au sud ce sont les maires de Roquefort et d’Estillac qui perçoivent les dangers du GPSO sur leurs territoires.
Le premier, Jean-Pierre Pin refuse l’impact catastrophique de la LGV, et de ses travaux concomitants (tracé du TER et raccordements routiers), sur sa commune où ce « sont 60 maisons qui doivent sauter. Et dans certains cas pour des permis de construire que j'ai accordés il y a cinq ans ».
Le second, Jean-Marc Gilly, voit le spectre de la spéculation immobilière, et son pendant la déflation pour cause d’expropriation ou de proximité avec la LGV, guetter sa commune : « Le tracé n'arrête pas de bouger. Ça fait peur aux gens, qui essayent de vendre. Mais ils n'y arriveront pas… La spéculation a commencé, doucement. J'ai été approché pour des terrains constructibles ».
A cela il faudrait ajouter certainement ajouter la quirielle de nuisances qu’habitants et élus perçoivent fortement en Nord-Gironde alors que les travaux de la LGV Tours-Bordeaux commencent à peine. Pour Cubzac-les Ponts les élus précisent : « il est prévu une rotation de 50 à 100 camions par jour, soit un toutes les huit minutes, ce qui va causer d'autres nuisances et d'autres risques pour les maisons; et il n'est pas question que ces poids lourds traversent le centre de Cubzac, l'exploitant devra donc trouver une autre solution pour l'évacuation des gravats ».
Où se trouve la formidable « concertation » prônée çà et là par RFF ?
Elle fait de moins en moins recette auprès des élus fatigués d’être « menés en bateau » et des habitants pris en otages.
Ainsi le maire d’Estillac refuse la concertation car pour lui accepter le tracé prévu par RFF reviendrait à « accepter que la commune soit davantage coupée en deux entre l'aérodrome et l'autoroute ».
Cette concertation voulue et pilotée par RFF n’est donc pas forcément conforme à la définition qu’elle est supposée recouvrir.
C’est ainsi que les opposants au GPSO en Lot et Garonne ne se retrouvent pas dans cette définition (action de préparer en commun l'exécution d'un dessein) ou dans celle que peut donner le Petit Robert : le fait de se concerter, s’entendre pour agir de concert.
Ce qui fait dire à Claude Semin de la Coordination 47 : « Toute objection qui n'est pas dans la lignée de ce que RFF veut n'est même pas écoutée ».
De fait les opposants au GPSO ne désarment pas pour autant.
Ceux de Gironde donnent de la voix lors de la dernière plénière du Conseil Régional d’Aquitaine pour dénoncer la participation financière de la Région à la LGV Tours-Bordeaux et d’autres s’organisent pour porter le message sur les routes du Lot et Garonne dans toutes les communes touchées par le tracé du GPSO.
Certains vont jusqu’à évoquer un possible abandon du GPSO en Pays Basque (Le Cercle de Burruntz), projet qui ne serait pas discuté entre les instances ministérielles françaises et espagnoles réunies fin septembre invoquant les deux projets ferroviaires mis en exergue dans cette assemblée : la réouverture de la ligne ferroviaire Pau-Canfranc et la traversée centrale des Pyrénées.
Il faudra attendre peut être les conclusions de l’Observatoire des Trafics installé par le gouvernement afin d’analyser les trafics ferroviaires et routiers en Pays Basque, et les retombées des Assises du Ferroviaire lancées récemment par Nathalie Kosciusko-Morizet, pour y voir plus clair dans la pertinence socioéconomique attachée au GPSO.
La ministre s’autorise d’ailleurs dans la Vie du Rail[VI] à évoquer la question fondamentale du modèle TGV en 2011 en déclarant : « Ainsi beaucoup de questions se posent. Est-on dans un modèle dans lequel le TGV finance le reste ? Est-ce souhaitable, est-ce possible, à l’heure où de plus en plus de voix s’élèvent pour dire : les lignes les plus rentables sont faites ».
Réponse dans les prochains mois.
D’ici là RFF, en bon petit soldat technocrate, poursuit ses études et nous invite à nous « concerter » en même temps qu’il nous « consulte ».
La quatrième phase de la consultation sur les tracés du GPSO s’étale du 10 au 29 octobre 2011.
Les associations sur toute l’Aquitaine appellent à contester une consultation qui a démontré son ambiguïté et son biais à plusieurs reprises (voir article de LGVEA) : nous proposons à tous nos adhérents de répondre seulement : « La seule mesure acceptable est la modernisation des voies existantes ».
De manière insidieuse me semble-t-il RFF lance conjointement une concertation sur les tracés au sud de Bordeaux et le réaménagement des voies classiques entre Bordeaux et Ayguemorte (suppression des PN, haltes SNCF…).
LGVEA voit là une manœuvre de RFF pour faire admettre aux habitants des travaux, et leurs nuisances, sous couvert de soi-disant impératifs techniques (il faut mettre en place une troisième voie classique pour le cadencement des TER mais aussi supprimer les PN pour répondre au cumul des TER+TGV…). Les conséquences de tels travaux sur l’urbanisation existante dans les bourgs et les retombées pour l’ensemble des habitants des cantons nous recommandent de répondre à cette « concertation » en dénonçant celles-ci sur les recueils[VII] mis en place dans les mairies d’Ayguemorte, Saint Médard d’Eyrans et Cadaujac.
N’hésitez pas à vous exprimer entre le 10 octobre et le 5 novembre 2011 en allant inscrire votre commentaire sur le recueil à disposition dans votre mairie.
Bonne lecture et ne manquez pas d’aller régulièrement sur le site du blog de LGVEA pour prendre connaissance de toutes les informations sur l’action de l’Association, les nouvelles du GPSO et des autres LGV, et d’une manière générale sur tous les sujets liés à la démocratie participative si importante pour faire entendre votre voix.
Jean-Robert Thomas 26 octobre 2011
[I] Voir page 9 son édition du 14 septembre 2011.
[II] Cette association lobbyiste co-présidée par Philippe DURON, député PS, et Louis NEGRE, sénateur UMP, regroupe maints dirigeants du monde politique et économique (Guillaume PEPY, PDG de SNCF ; Hubert du MESNIL, PDG de RFF ; Martin MALVY, président de la Région Midi-Pyrénées…) et entend promouvoir auprès des pouvoirs publics et du Parlement ses réflexions et propositions au service d’une politique globale et ambitieuse des transports et des déplacements.
[III] L’AFITF (Agence de financement des infrastructures de transports de France) a été mise en place après 2003 pour apporter la part de l’Etat dans le financement des infrastructures de transports. Toutefois dés 2009 la Cour des Comptes qualifiait l’AFITF « d’agence de financement aux ambitions limitées, privée de ses moyens, désormais inutile ».
[IV] La Vie du Rail, 12 octobre 2011, page 11.
[V] Voir page 3 son édition du 12 octobre 2011.
[VI] Voir page 4 son édition du 21 septembre 2011.
[VII] Ces mêmes recueils existent pour Villenave d’Ornon, Bègles et Bordeaux.