Quand les LGV/TGV tuent le train…
La consultation régulière des sites et des blogs sur le transport ferroviaire peut révéler parfois des pépites comme celle trouvée ces jours-ci dans les pages tenues par Yvan Tricart, militant associatif très actif en Limousin (voir http://blog.yvantricart.info/qui-suis-je-.html ).
Il y est question d’une étude menée récemment par la commission TGV de la FNAUT (Fédération Nationale des Associations d’Usagers de Transports) avec l’aide financière de la DATAR (Délégation Interministérielle à l’Aménagement du Territoire et à l’Attractivité Régionale) portant sur les effets pervers de l’exploitation du TGV sur la desserte des villes moyennes[1].
La FNAUT n’a pas l’habitude d’être une contemptrice des LGV[2] et TGV même si elle dénonce parfois les abus en certains domaines (exemple le projet de LGV Poitiers-Limoges[3]). Aussi l’étude citée par Yvan Tricard est intéressante à plus d’un titre.
On peut y lire par exemple dans le résumé que le TGV « n’a pas eu les effets économiques attendus dans certaines grandes villes desservies » mais que son introduction, notamment au travers des LGV, « s’est traduite par la stagnation ou l’affaiblissement très sensible des relations ferroviaires…de nombreuses villes moyennes auparavant bien desservies par les trains classiques de jour et de nuit (par exemple Chartres, Saumur, Saint-Quentin, Epernay, Bar-le Duc, Dole, Roanne, Thonon et Evian) ». Plus loin dans l’analyse de la branche Sud-Ouest les auteurs de l’étude pointent la prépondérance du TGV sur les lignes classiques : « Entre Paris et Toulouse, depuis la réforme horaire de l’hiver 2000, la SNCF privilégie le TGV aux dépens des villes intermédiaires de la ligne classique POLT (Châteauroux, Limoges,
Brive et Cahors) qui voient dorénavant leurs dessertes centrées sur Paris ».
Sur l’axe récent TGV Est, après la mise en service de la LGV –Est, la FNAUT énumère la disparition des lignes classiques (exemple la suppression des trois Corail directs Paris-Nancy-Strasbourg) et constate que les TER sont moins nombreux et plus lents.
Sur l’axe Nantes-Bordeaux, si décrié ces temps-ci pour sa mauvaise qualité de service[4], la SNCF promeut des liaisons TGV par Tours-Paris ce qui fait dire à la FNAUT que « Le risque d’assèchement de cette ligne s’accentuera avec la mise en service de la LGV Tours-Bordeaux ».
On trouve ici confirmation de ce que les associations dénoncent depuis des années face à la frénésie de nos dirigeants pour des milliers de km de nouvelles lignes à grande vitesse, à savoir l’instauration du dogme LGV-TGV au détriment du ferroviaire classique avec sa cohorte de suppression de lignes, d’abandon de gares, de diktat de la grande vitesse et de son corolaire, la fracture sociale en faveur des grandes lignes TGV pour quelques privilégiés entre les grandes métropoles.
Tout au long des quelques 60 pages de cette étude d’innombrables exemples sur tout le réseau ferré français, commentés et corrélés, viennent instruire à charge la vision manichéenne d’une oligarchie dirigeante, relayée par les institutionnels (SNCF, RFF), qui ne jure que par la « modernité », la « mobilité », toujours « à grande vitesse ».
On peut être inquiet des projets portant sur quelques 2000 à 4000 km de nouvelles LGV qui apparaissent dans le SNIT après avoir été labellisées, sous couleur de « greenwasching », par le Grenelle de l’Environnement.
Ils devraient amplifier cette paupérisation de la capacité de transport ferroviaire pour le plus grand nombre dans des régions où l’on devrait assister à une « grand déménagement du territoire ».
Simon Charbonneau résumait bien cet affrontement en énonçant[5] que « …le toujours plus grand, plus gros, plus puissant, plus vite, plus mobile et donc plus cher ne signifie pas quelques chose de mieux pour les habitants de notre région ».
A méditer…
Jean-Robert Thomas – 9 mai 2011
[1] Voir ce document en version provisoire V2 sur le site d’Yvan Tricart http://blog.yvantricart.info/images/stories/les_perdant_des_TGV_fnaut_mai_2011.pdf
[2] On pourra lire la position de la FNAUT à l’encontre des manifestations anti LGV http://www.fnaut.asso.fr/index.php/toute-actualite/39-communiques-presse/232-reponse-aux-opposants-aux-lgv.html
[3] Voir déclaration FNAUT http://www.fnaut.asso.fr/index.php/toute-actualite/39-communiques-presse/240-lgv-poitiers-limoges--projet-aberrant.html
[4] On pourra consulter un article récent de Sud-Ouest qui montre l’investissement très important qu’il faudra mettre sur cet axe pour lui redonner de la compétitivité http://www.sudouest.fr/2011/05/07/un-plan-de-relance-pour-la-ligne-nantes-bordeaux-391877-1391.php et les commentaires des clients auprès de la SNCF http://debats.sncf.com/feedbacks/43556-pourquoi-la-ligne-bordeaux-nantes-n-est-elle-pas-plus-developpee
[5] Résister pour sortir du développement-Le droit entre nature et liberté ; Simon Charbonneau, Sang de la Terre, 2009, page 54