La revue de presse – Janvier 2012
Il est toujours temps en cette fin janvier de vous souhaiter à tous une bonne année 2012 : santé et prospérité pour vous et toute votre famille.
Le coup de tonnerre des Assises du Ferroviaire
L’année 2011 s’achevait par la clôture des Assises du Ferroviaire où la Ministre des Transports, Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM), demandait que les investissements ferroviaires non engagés à ce jour (exemple le GPSO) soient soumis à une évaluation indépendante afin d’en mesurer la pertinence socioéconomique. Ce que Sud-Ouest qualifiait de « coup de froid » pour le projet de LGV au sud de Bordeaux ressemblait plutôt à un coup de tonnerre dans le monde des thuriféraires du GPSO alors que ce n’était pour nous que la conclusion logique d’une réflexion sociale, économique et environnementale face aux grands projets d’infrastructures que nous qualifions « d’inutilité publique ».
Une levée de boucliers dans le quarteron des pro-LGV
La déflagration médiatique qui suivit la déclaration de NKM provoqua un beau vacarme dans le milieu technocratique et politique du grand Sud-Ouest.
Si certains élus locaux comme Raymond Girardi, par ailleurs co-président d’Alternative LGV dans le Lot et Garonne, parlaient d’une « décision réaliste », les grands élus regroupés autour d’Alain Rousset (Martin Malvy, Alain Juppé, Alain Savary…) rejoints par les instances économiques régionales (CCI) tempêtaient pour réclamer tête baissée la poursuite du GPSO. Le président de la Région Aquitaine rédigeait un courrier à NKM pour dire « qu’Il serait inconcevable que le TGV s'arrête à Bordeaux » et demandait aux élus régionaux d’y apposer leur signature : seuls les élus du Front de Gauche et d’Europe Ecologie les Verts (EELV) résistèrent en conformité avec leurs précédentes positions contre le GPSO et son financement par les collectivités territoriales.
En Midi Pyrénées, autour de Martin Malvy, Pierre Cohen ou Pierre Izard, c’est la menace de ne plus financer Tours-Bordeaux qui transparaît quand on peut lire dans les colonnes du Parisien : « Nous demandons au Premier ministre de confirmer rapidement que la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux-Toulouse constitue un seul et même projet, qu’il est inscrit dans son ensemble au programme des grandes infrastructures et que le calendrier - déclaration d’utilité publique en 2014, premiers travaux en 2017 - sera respecté ».
Ces propos teintés de chantage confirment bien l’entourloupe que nous dénonçons depuis des mois dans le montage financier de la convention signée pour le financement par les collectivités territoriales de la LGV Tours-Bordeaux.
Il nous semble en effet malhonnête de la part des grands élus, et désastreux pour le contribuable, que les LGV de Tours-Bordeaux et du GPSO soient inscrites dans une seule convention qui ne devrait pas (au vu de la seule DUP émise à ce jour pour la Tours-Bordeaux) imposer le financement (et à quel niveau ?) du GPSO aux habitants du Grand Sud-Ouest.
Retraite sans tambour ni trompette
Le chantage auprès de NKM, et du gouvernement (Alain Juppé pourrait avoir poussé François Fillon à reprendre un peu en main sa ministre des transports…), semble avoir toutefois porté ses fruits car c’est à pas feutrés que la Ministre revient dans Le Parisien début janvier pour déclarer « Le Grand Projet Sud-Ouest (GPSO) n'est pas remis en question. C'est très clair ». Faisant amende honorable elle assure que « la parole de l'État ne sera pas remise en cause sur le GPSO, qui est un coup parti », ceci en contradiction avec toutes les analyses technico-économiques[I] qui poussent à la prudence dans les engagements financiers de l’Etat, des Régions, de RFF… sur des infrastructures qui pourraient être déficitaires dés leur lancement.
Les Aquitains apprécieront un nouvel renoncement sous la pression conjuguée d’une élite politique transie par la peur des échéances électorales, des partis d’opposition englués dans la vision technologique passéiste et dans une obsession de la croissance à tous crins, des lobbies du BTP…
La LGV implose au Pays Basque
Toutes ces déclarations forcées n’entament toutefois pas la détermination des associations, notamment au Pays Basque où il est clair aujourd’hui que la LGV entre Bayonne et la frontière cristallise toutes les critiques et va être soumise à une auscultation détaillée de sa possible pertinence.
Dés le mois d’août 2011 la décision de mise en place d’un Observatoire des Trafics ferroviaires en Pays -Basque avait été prise par NKM et cette dernière concède en ce début d’année « qu’on ne fera pas une LGV contre la volonté des élus » dans un interview donné à Sud-Ouest.
Le chant du cygne pour la LGV Bordeaux-Toulouse ?
Malgré les arrangements conjoncturels entre le gouvernement et les grands élus du Sud-Ouest sur le GPSO, la branche Bordeaux-Toulouse frémit sous les coups de butoir des analyses technico économiques indépendantes.
A l’initiative de quelques élus du Lot et Garonne, rejoints depuis par de nombreux élus locaux entre Bordeaux et Toulouse, une étude indépendante sur une alternative à la LGV était en construction depuis plusieurs mois. Elle vient d’aboutir fin 2011 et elle remet en cause bien des affirmations péremptoires de RFF.
Pour quelques minutes gagnées en TGV sur une LGV c’est un surcoût d’environ 6 milliards d’euros auquel il faut s’attendre par rapport à la solution d’une régénération complète des voies actuelles accueillant des TGV jusqu’à des vitesses de 250 km/h.
RFF qui jusqu’alors minimisait les coûts de la LGV, reconnaît explicitement aujourd’hui dans sa Lettre Mensuelle n° 57 que la LGV Bordeaux-Toulouse coûterait (valeur 2011) environ 7,8 milliards d’euros !
Nous sommes fondés, comme nous le prédisions déjà depuis longtemps au sein des différentes associations du grand Sud Ouest, à penser que le coût global du GPSO serait bien de l’ordre de 15 milliards d’euros !!
Même si la FNAUT, chantre des infrastructures en France, persiste à penser que la LGV Bordeaux-Toulouse peut concurrencer l’avion[II] sur des trajets comme Paris-Toulouse, elle envisage dorénavant, dans Le Moniteur du 12 janvier 2012, de différer le lancement de la LGV Bordeaux-Espagne en laissant comme commentaire : « C’est peut-être prématuré et doit être mis en balance avec la modernisation de l’itinéraire classique ».
La rumeur de l’arnaque des PPP enfle…
Depuis longtemps maintenant nous attirons l’attention des citoyens sur les alertes de chercheurs, d’économistes, de commentateurs… quant aux risques financiers encourus par le contribuable qui suivrait ses élus dans l’emploi des Partenariats Public Privé (PPP).
Introduits sur le modèle économique anglo-saxon inventé dans les années 90, les PPP en France deviennent des instruments privilégiés pour éviter d’afficher des dettes d’investissement mal vues en ces temps de rigueur et de difficulté budgétaire : les loyers payés par le contribuable aux entreprises du privé associées à ces contrats ne sont pas comptabilisés dans la dette de l’Etat.
Avec un montant de 15 milliards d’euros en 2011 les PPP peuvent très vite devenir une bombe à retardement pour le citoyen français et les générations futures qui devront payer des loyers de plus en plus élevés.
Dans un article du Parisien du 9 janvier 2012 on peut lire : « Le PPP, c’est tout simplement de la dette masquée, s’exclame Philippe Herlin, chercheur en finances et chargé de cours aux Arts et Métiers. Le PPP permet de ne pas s’endetter au début du projet, mais de repousser les dépenses à plus tard ».
La Ministre Nathalie Kosciusko-Morizet a prévenu pour le financement du GPSO « que les collectivités locales seront appelées au même niveau financier que l'État ce qui rend le programme extrêmement fragile ».
Il y a donc un grand risque à ce que le financement de tels projets, au-delà de l’apport limité de l’Etat et des collectivités locales, s’appuie, comme pour Tours-Bordeaux ou l’autoroute A65 sur des PPP…avec au final les risques financiers pour l’usager et le contribuable. L’exemple de l’autoroute A65, la plus chère de France, donne une idée des cadeaux faits au privé.
Le crissement sur les rails de la SNCF
La guerre larvée entre RFF, propriétaire des voies, et le principal utilisateur de celles-ci, la SNCF, se poursuit. Quand de plus en plus de voix s’élèvent pour revenir sur la scission en 1997 de la SNCF en deux entités (SNCF et RFF), Jean-Bernard Gilles rappelle dans Sud-Ouest du 21 janvier 2012 « qu’on a beaucoup insisté, le 15 décembre dernier, sur la nécessaire hiérarchisation des futurs projets de lignes à grande vitesse qui foisonnent en France au-delà des capacités financières du système ferroviaire ». Il note par ailleurs que la SNCF ne mettra pas de TGV neufs sur la LGV Tours-Bordeaux, signe des difficultés financières pérennes de SNCF malgré le bénéfice dégagé cette année, bénéfice rendu à l’Etat (230 millions d’euros). D’après J.B Gilles ce dernier et les collectivités locales devraient s’accorder pour engager 20 millions d’euros d’acquisitions sur les 420 km de la LGV du GPSO.
Nous ne pouvons qu’être surpris par cette annonce car, chaque fois que nous avons posé la question des acquisitions de propriétés par RFF (acquisition à l’amiable ou expropriation) il nous a été répondu qu’elles ne pourraient légalement intervenir qu’après la DUP.
Nous aurait-on menti, et si oui, n’y a-t-il pas là lieu de s’inquiéter d’un possible « mitage » organisé par RFF pour fragiliser les propriétaires et obtenir plus tard la soumission de ceux qui voudraient résister sous prétexte que d’autres auraient déjà signé depuis longtemps ?
Du rififi en Sud-Gironde
Si l’on se rappelle les multiples tergiversations qui ont accompagné la définition des fuseaux du GPSO en Sud-Gironde en 2010, on peut aujourd’hui retenir qu’elle n’a peut être pas toujours été conduite en toute équité pour les habitants des communes de l’Arruan.
Pierre Jean Théron, maire de Saint Selve, s’enorgueillit dans son bulletin municipal d’octobre 2010 d’avoir repoussé, de part ses interventions dans les différents cercles de décision, le fuseau de la LGV hors de Saint Selve.
Raillant ses collègues élus il déclarait alors :
Il m’a été rapporté que, dans des réunions publiques qui se sont tenues sur le territoire de la communauté de communes, j’ai été mis en cause sur le fait que la LGV passe à Beautiran, à Ayguemorte et à Castres. Lorsque que l’on mène un combat d’arrière garde comme certains édiles, que l’on se réveille deux mois avant la fin du processus de décision, que l’on ne se déplace pas pour rencontrer les instances dirigeantes à Paris, et que l’on ne profite pas de la venue du Président de la Région dans sa propre commune pour aller sur le terrain lui montrer les dégâts qui découleraient d’un tel projet, il ne faut pas, ensuite, s’étonner du résultat, fâcheux pour lesdites communes |
Quelques mois auparavant il avait déjà porté l’estocade déclarant lors du conseil municipal du 21 mai, en évoquant ses amitiés élyséennes: « J'ai rendez-vous à l'Elysée début juin car il était venu à St Selve ainsi que son fils. Grâce à mes relations, j'essaie de sauver St Selve ».
C’est sur le même site du Maringoin (rubrique Saint Selve) que l’on pouvait lire que le nouveau lotissement Les Chanterelles, astucieusement situé sur un des fuseaux LGV étudié par RFF, provoquait de la part de certains habitants de Saint Selve une levée de bouclier sur la modification du PLU qui avait permis l’autorisation préfectorale de lotir des terrains pourtant réputés en zone humide : on parlait alors de plusieurs recours en gestation contre cette autorisation.
L’affaire vient de prendre une autre tournure avec la plainte émanant de plusieurs conseillers municipaux envers le maire, Pierre-Jean Théron comme l’évoque Pierre Lascourrèges dans son article du Sud-Ouest du 23 janvier 2012.
On verra ce que dit la justice dans les prochains mois sur une éventuelle prise illégale d’intérêts mais on espère à cette occasion y voir plus clair dans les différents « arrangements » qui auraient pu être mis en œuvre dans l’instruction du dossier GPSO reportant le fuseau LGV sur les communes de Beautiran, Ayguemorte-les Graves, Saint Médard d’Eyrans…
Il est toutefois stupéfiant de constater le peu de solidarité intercommunale de la part d’un maire pourtant vice président d’une communauté de communes…
Les associations maintiennent la pression
Ce début janvier voyait le COPIL du GPSO valider les tracés de la LGV entre Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Espagne.
Cette proposition qui doit maintenant recevoir l’aval de la Ministre Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM), ne constitue toutefois qu’une étape d’un long processus d’études et de consolidation d’un projet qui n’est toujours pas sûr d’aboutir à la mise en chantier effective d’une infrastructure qui frôle aujourd’hui les 15 milliards d’euros (coût aux conditions économiques 2011).
Car si le tracé est retenu par un ministère qui risque d’être bousculé lors des prochaines échanges électorales dans moins de 100 jours maintenant, il faudra passer encore les étapes de l’Enquête d’Utilité Publique (EUP ~2013) puis de la Déclaration d’Utilité Publique (DUP~2014) avant de s’atteler au financement de cette infrastructure.
Les collectivités territoriales déjà fortement ponctionnées pour la LGV Tours-Bordeaux seront peut être encore plus réticentes depuis que NKM a précisé que pour 1 euro misé par l’Etat il faudra compter 1 euro de la part des collectivités territoriales (Sud-Ouest du 2 janvier).
Les associations qui luttent contre les LGV en général, et le GPSO en particulier, restent donc totalement mobilisées, et sont de plus en plus ralliées par des élus locaux, comme le prouvent les commentaires rapportés dans Sud-Ouest du 10 janvier.
Jean-Robert Thomas 27 janvier 2012
[I] On pourra à ce sujet relire les conclusions de la commission sur l’économie du ferroviaire, où plus avant le rapport Mariton.
[II] On est peut être encore loin d’une vrai concurrence quand on compare aujourd’hui un trajet avion d’environ 1h30 et 100 euros avec un trajet en train de 5h30 et 95 euros. Il n’est pas sûr qu’un TGV sur LGV en 2020-2025 soit même encore rentable (3 heures au mieux mais à quel prix…) face à la concurrence acharnée qui sera issue de l’explosion des trajets avion low-cost.