Le sursis à statuer : arme à double tranchant pour le citoyen ?
Depuis octobre 2010 les préfets des différents départements concernés par les GPSO ont installé une procédure administrative par arrêté préfectoral : le sursis à statuer.
Cette disposition prévue dans le code de l’Urbanisme permet aux autorités compétentes d’opposer un sursis à statuer sur toute demande d’autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution d’un projet de travaux publics comme les GPSO.
On pourra prendre connaissance de l’arrêté préfectoral pris par le préfet de la Gironde le 26 octobre dernier et mis en ligne sur le site GPSO en cliquant ICI.
Si cet acte administratif donne donc à présent un droit de regard par RFF sur les autorisations pouvant être données par les maires (certificat d’urbanisme, permis de construire, permis d’aménager…) dans le périmètre des fuseaux des GPSO validés par le Ministre le 27 septembre dernier quelques précisions s’imposent.
Il n’est pas dans notre objectif d’engager ici une étude juridique exhaustive, qui relève de spécialistes hors des compétences de l’association, mais de souligner quelques points importants en liaison avec l’impact de telles dispositions sur notre environnement et la vie sur nos territoires. Pour ceux qui le souhaitent ils pourront avantageusement consulter les articles du Code de L’Urbanisme ou de l’Environnement qui sont référencés dans l’arrêté préfectoral.
En résumé il convient de retenir qu’à partir du 26 octobre 2010 sur le territoire de l’Arruan toute personne voulant obtenir une autorisation pour un certificat d’urbanisme[1], un permis de construire[2] ou un permis d’aménager[3] situé dans l’emprise du fuseau des GPSO pourra se voir opposer par RFF un sursis à statuer. Le Code de l’Urbanisme précise que ce sursis peut aller jusqu’à 2 ans, au plus 3 ans, avant que le demandeur puisse obliger l’administration à acquérir le bien sur lequel porte sa demande (cf. article L111-8).
Là apparaît un premier flou qui laisse à penser que l’autorité (RFF, préfecture ?) devra statuer à l’échéance de trois ans pour refuser ou accepter l’autorisation sollicitée. On aura pu noter que l’arrêté préfectoral du 26 octobre indique pour sa part que la décision de prise en considération des GPSO prendra fin au bout de 10 ans si les travaux correspondants n’ont pas été engagés.
Si l’on comprend, à la lecture des différents textes qui se rattachent à cet arrêté, que le sursis à statuer s’applique aux autorisations nécessaires pour construire, aménager, voire dans les cas particuliers des instructions de Plans Locaux D’Urbanisme (PLU cf. article L123-6), des secteurs sauvegardés ou des ZAC (cf. articles L313-2 et L311-2) ou des parcs nationaux (cf. article L331-6 du code de l’Environnement), on peut s’interroger sur sa pertinence dans le cas de transfert de propriété.
L’article L123-6 du Code de l’Urbanisme, non directement cité dans l’arrêté préfectoral, indique la possibilité d’emploi d’un sursis à statuer lorsque un PLU est élaboré à l’initiative d’une commune[4]. Dans son article 5 l’arrêté préfectoral prescrit la mise à jour des annexes des POS ou PLU pour prise en compte des dispositions relatives à la prise en considération des études GPSO. Toutefois l’analyse de l’article L123-6 sur le site du Sénat montre que le sursis à statuer ne s’applique pas dans le cas d’un transfert de propriété[5] (vente, donation, succession…) qui relève du droit privé.
Que penser alors des termes employés par RFF dans sa Lettre d’Information n°7 de novembre 2010 où le sursis à statuer pourrait être mis en œuvre pour « les demandes d’autorisations d’urbanisme et actes notariés concernant tous les biens situés à l’intérieur du fuseau de 1 000 mètres » ?
Doit-on comprendre que les transferts de propriétés validés par des actes notariés pourraient être assujettis aux dispositions de l’arrêté préfectoral ? On pourrait le croire à la lecture du communiqué de presse de la Préfecture[6].
Ou ne serait-ce là qu’une nouvelle erreur de communication de la part de RFF qui rappelle dans le chapeau de son article[7] que le sursis à statuer découle de l’article L110-10 alors qu’il s’agit vraisemblablement de l’article L111-10 du Code de l’Urbanisme ?
Nous devrons donc rester vigilants quant à l’applicabilité de cet arrêté préfectoral.
RFF, et l’Etat associés aux financeurs des GPSO, y voient certainement un moyen de pression considérable face à la possibilité de construire (maisons individuelles, lotissements…) qui contraindrait techniquement et économiquement l’implantation de la LGV dans le fuseau.
On remarquera toutefois qu’une certaine ambiguïté subsiste sur l’application de l’arrêté aux transferts de propriété.
On notera enfin que, comme dans tout projet d’infrastructure d’envergure, la spéculation foncière, les modifications ultérieures de POS ou PLU, les achats de terrains pouvant « muter » ensuite, constituent des risques et des inégalités pour les simples citoyens soumis eux à la « Dura Lex ».
Jean –Robert Thomas – 31 décembre 2010
[1] Le certificat d'urbanisme n'est pas une autorisation, il ne remplace pas le permis de construire.
[2] Le permis de construire est un document administratif qui donne les moyens à l'administration de vérifier qu'un projet de construction respecte bien les règles d'urbanisme en vigueur. Ce document obligatoire pour les travaux de grande importance ne doit porter que sur les biens immobiliers.
[3] Le permis d'aménager est un document administratif qui permet à l'administration de contrôler les travaux, installations et aménagements affectant l'utilisation du sol. Ce document autorise son bénéficiaire à réaliser des constructions ou des démolitions. Lorsque les travaux d'aménagement impliquent la réalisation d'une démolition ou, de façon accessoire, d'une construction sur le terrain à aménager, la demande de permis d'aménager peut porter également sur le projet de démolition (s'il est soumis à permis) ou sur le projet de construction. Le permis d'aménager autorise alors la réalisation des démolitions ou des constructions.
[4] On remarquera qu’en Gironde, et pour les communes touchées par le fuseau des GPSO, certaines possèdent déjà un document d’urbanisme (POS, PLU), d’autres pas encore.
[5] Cas d’un transfert de propriété Les documents relatifs au transfert de propriété n’entrent pas dans le champ d’application de l’article L 126-3 du code de l’urbanisme puisqu’il s’agit de documents de droit privé.
[6] Communiqué de presse du Préfet d’Aquitaine en date du 28 octobre 2010.
[7] Le Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest fait l’objet d’une prise en considération de mise à l’étude en matière d’urbanisme. Cela concerne les autorisations d’urbanisme en application de l’article L-110.10 du Code de l’urbanisme. Ainsi les demandes de permis de construire ou les certificats d’urbanisme par exemple seront examinés par RFF pour savoir si ces derniers doivent faire l’objet ou non d’un sursis à statuer de la part de l’Autorité compétente (préfecture).