La loi de réforme ferroviaire de 2014 annonçait un nécessaire contrat de performance entre SNCF et l’Etat. Il devait être un plan décennal fixant les engagements réciproques de l’Etat et de la société nationale pour garantir une stratégie durable censée rétablir notre système ferroviaire.
Ce contrat, dont le projet a été approuvé par SNCF le 20 décembre 2016, restait à être présenté pour avis à « l’arbitre » du rail, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER).
Si cette dernière n’émet qu’un avis consultatif (avis n°2017-037 du 29-03-2017) elle a, selon l’article du Monde.fr rédigé par Eric Béziat le 30 mars 2017, étrillé le plan d’investissement de la SNCF.
« Manque d’indicateurs de performance, maîtrise des coûts non garantie, orientations tarifaires à revoir, trajectoire financière irréaliste, engagements flous… » la copie est surchargée à l’encre rouge !
On note que le contrat est qualifié de mauvais par l’ARAFER pour les deux contractants, SNCF et l’Etat : « Le régulateur souligne l’absence d’engagements crédibles des deux parties contractantes ce qui prive le secteur ferroviaire d’une indispensable vision de long terme… ».
Si l’investissement sur la période 201-2026 se monte à 46,2 milliards d’euros avec 34,2 milliards sur le réseau le plus utilisé on n’est pas sûr que les 2,6 à 3 milliards / an entre 2017 et 2026 seront suffisants pour rétablir les quelques 30 000 km de voies du réseau français si délaissé depuis 30 ans et plus.
Autre point majeur que l’ARAFER pointe dans le projet de contrat : la dérive financière.
SNCF Réseau est lestée d’une dette de 42 milliards d’euros qui augmente chaque année. Or l’autorité de régulation n’est pas convaincue des mesures afférentes à l’apurement de celle-ci.
Elle précise dans son communiqué de presse : « Les prévisions de recettes de péages inscrites dans la trajectoire financière sont exagérément optimistes, en particulier au-delà de 2020. D’une part, elles sous-estiment les conséquences des augmentations de péages prévues sur l’évolution des trafics. D’autre part, elles reposent sur des hypothèses de concours budgétaires de l’Etat qui restent à confirmer : au vu de l’historique, l’augmentation des subventions de plus de 25% prévue sur la période du contrat (+ 500 M€ HT) serait tout à fait exceptionnelle ».
On se rappellera qu’une forte augmentation des péages, comme celle prévue sur la nouvelle LGV Tours-Bordeaux à mi 2017, viendra plomber le résultat d’exploitation de SNCF Mobilités qui devra choisir entre perte d’exploitation et augmentation du prix de billets. On sait alors que cette augmentation aura des répercussions sur les trafics passagers.
L’avenir semble noir quand on lit dans le communiqué de presse de l’ARAFER : « Rien ne permet donc d’assurer que l’augmentation de presque 40% de la dette de SNCF Réseau par rapport à aujourd’hui (63 Mds€ prévus en 2026), bien que considérable, soit contenue à ce niveau. Les incertitudes sur la dotation attendue de la SNCF, essentiellement issue des résultats de SNCF Mobilités, ajoutent encore à la fragilité de cet objectif.
A supposer que la trajectoire financière soit respectée, la dette de SNCF Réseau ne serait toujours pas stabilisée à la fin du contrat puisqu’elle continuerait d’augmenter de 400 M€ par an en 2026 ».
L’Etat n’est pas épargné par la griffe de l’ARAFER : « L’Arafer relève une asymétrie dans les engagements souscrits par les deux parties. L’Etat se borne à « veille[r] à la cohérence et au bon fonctionnement du système ferroviaire national », sans s’engager sur le niveau de son soutien financier, ni préciser sa vision à long terme du transport ferroviaire ».
Rien ne semble résolu à ce jour pour la survie à terme de notre système ferroviaire.
Le changement de gouvernement qui s’annonce à mi 2017 ne gage pas la priorisation du sauvetage de celui-ci à moyen terme. C’est un mauvais présage pour l’usager.
C’est aussi un avenir sombre pour les chargeurs utilisant le ferroviaire comme l’exprime Bernard Roman, président de l’ARAFER, qui revient sur son avis dans les colonnes du Monde.fr le 31-03-2017 :
« Les entreprises ferroviaires ont clairement signifié que les propositions d’évolution tarifaire prévues dans le contrat n’étaient pas soutenables. Nous avons reçu des chargeurs qui nous ont dit que les hausses prévues des péages pour les trains de fret – jusqu’à 10 % d’augmentation par an en fin de période du contrat – les conduiraient sans doute à choisir la route, sauf qualité de service très améliorée. Ce serait un nouveau recul pour notre fret ferroviaire ».
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/03/31/bernard-roman-arafer-prenons-plus-de-temps-pour-avoir-un-bon-contrat-ferroviaire_5103738_3234.html#2sogdqmCsEVIQz4i.99
On doit attendre maintenant que l’Assemblée Nationale et le Sénat donnent leur avis mais la décision finale reviendra au gouvernement sorti des urnes de la présidentielle de mai 2017.
Pour LGVEA
Le Président Jean-Robert Thomas
1-04-2017