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10 décembre 2016 6 10 /12 /décembre /2016 09:11

 

Depuis 2014 la loi de réforme ferroviaire a refondu les EPIC constitués en 1997.

Source Les Echos / SNCF

Source Les Echos / SNCF

L’avis n°2016-219 de l’Autorité de Régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) du 30 novembre 2016 constitue selon nous un texte majeur et fondamental dans les dossiers d’investissement ferroviaire, et tout particulièrement pour celui qui intéresse le grand Sud-Ouest, le GPSO.

Revenons quelques instants sur cet avis et prenons connaissance des remarques et recommandations qu’il renferme.

http://www.arafer.fr/wp-content/uploads/2016/12/Avis-2016-219-du-30-novembre-2016-Projet-davis-d%C3%A9cret-r%C3%A8gle-dor.pdf

Rappelons tout d’abord que cet avis consultatif est conforme aux missions de l’ARAFER pour la part du « …montant global des concours financiers devant être apportés à SNCF Réseau et sur la part contributive de SNCF Réseau pour les projets d’investissements dépassant un seuil fixé par un décret en Conseil d’Etat ».

C’est sur ce dernier point que nous voulons attirer votre attention par cet article.

Reprenant les termes de la loi de réforme ferroviaire de 2014 (n°2014-872), et plus particulièrement sa traduction dans le code des Transports (article L 2111-10-1), l’ARAFER examine les termes du projet de décret présenté par le Gouvernement qui a saisi l’ARAFER le 12 octobre 2016.

Au paragraphe 5 on peut lire que l’article L2111-10-1 prévoit certaines dispositions fondamentales quant à l’engagement financier de SNCF dans les différents investissements sur le réseau ferroviaire :

« Il prévoit, d’autre part, un dispositif d’encadrement de la participation financière de SNCF Réseau aux investissements de développement, cette participation étant conditionnée au fait que le rapport entre la dette financière nette et la marge opérationnelle de SNCF Réseau n’excède pas un niveau plafond déterminé par décret dans la limite d’un maximum fixé par la loi à 18. En cas de dépassement du niveau plafond de ce ratio, les projets d’investissements de développement sont entièrement financés par l’Etat, les collectivités territoriales ou tout autre demandeur. En-deçà, les projets d’investissements de développement doivent faire l’objet, de la part de l’Etat, des collectivités territoriales ou de tout autre demandeur, de concours financiers propres à éviter toute conséquence négative sur les comptes de SNCF Réseau à l’issue de la période d’amortissement des investissements projetés ».

Le projet de décret soumis à l’ARAFER pour avis doit définir les modalités d’application de cette « règle d’or ».

L’ARAFER en expert ferroviaire tient à montrer qu’elle sépare tout projet d’investissement ferroviaire dans sa pertinence socio-économique, qui relève du choix régalien de l’Etat, du mécanisme de la « règle d’or » applicable à SNCF.

Le paragraphe 13 est explicite sur ce point :

« Pour autant, la « règle d’or » n’est pas un mécanisme de sélection des projets d’investissement. En effet, en cas de dépassement du niveau plafond du ratio, la « règle d’or » n’interdit pas la réalisation de projets d’investissement de développement mais pose pour seule condition que leur financement ne fasse pas appel au gestionnaire d’infrastructure. Ce mécanisme est également sans lien avec l’appréciation qui peut être faite de la pertinence socio-économique du projet et n’emporte, en conséquence, aucune certitude quant à la meilleure orientation de la politique d’investissement au bénéfice du bon fonctionnement du système de transport ferroviaire national ».

On comprend là que des projets de LGV, en contradiction avec les simples règles de rentabilité socio-économique et avec la priorité affichée donnée au réseau ferré existant, peuvent être décidés par le Gouvernement à la seule condition que l’effort financier d’investissement ne soit pas porté par SNCF mais par l’Etat ou les collectivités territoriales qui souhaitent cet investissement.

On est là à un tournant de la politique française en matière ferroviaire.

Le déficit abyssal de SNCF (supérieur à 44 milliards d’euros et bientôt proche de 55-60 milliards) devient un tel handicap pour l’opérateur historique qu’il semble enfin primordial de lui épargner une spirale financière infernale dans des investissements de développement du réseau LGV comme pour le GPSO.

Cela est d’autant plus critique que SNCF peut voir toutefois son compte d’exploitation plombé par des déficits résultant d’un investissement de l’Etat générant coûts de maintenance et d’exploitation déficitaires.

L’avis de l’ARAFER en fait état dans son paragraphe 14 :

« La « règle d’or » ne constitue pas davantage une protection absolue contre les risques financiers encourus par le gestionnaire d’infrastructure. En effet, le financement d’un investissement par la puissance publique n’exclut pas le risque que les coûts de maintenance des infrastructures nouvellement créées puissent excéder le montant des redevances liées à l’accroissement effectif des trafics permis par cet investissement ».

C’est ce qu’on risque d’observer dès 2017 pour la LGV Tours-Bordeaux si l’on en croit les propos alarmistes de Guillaume Pépy (cf. http://www.capital.fr/bourse/actualites/la-ligne-tgv-tours-bordeaux-en-faillite-avant-meme-d-avoir-demarre-1077704 ).

On peut saluer la pertinence de l’ARAFER dans ce domaine quand elle évoque en demi-teinte les avis très septiques sur les multiples investissements « non rentables » dans les LGV. L’exemple en est donné par la rédaction des paragraphes 16 et 17 dans l’avis ARAFER :

« L’ensemble de ces limites amène à rappeler que l’enjeu principal de la politique d’investissements de SNCF Réseau réside en tout premier lieu dans la rigueur de leur sélection, qui doit s’appuyer en particulier sur l’évaluation des bénéfices socio-économiques associés. Dans un contexte de raréfaction des fonds publics, l’Autorité considère que la conciliation de l’objectif de bon fonctionnement du système de transport ferroviaire, lequel nécessite des investissements sur le  réseau existant pour l’adapter à l’évolution des trafics, et de celui du redressement financier du gestionnaire de réseau commande l’application de procédures de sélection des investissements, inspirées notamment des procédures d’évaluation que l’Etat a définies dans le décret n° 2013-1211 du 23 décembre 2013. Cette préoccupation rejoint ainsi les interrogations que la Cour des comptes a formulées en 2014 dans son rapport « La grande vitesse ferroviaire : un modèle porté au-delà de sa pertinence » et celles, de même nature, portant sur la sélection et la programmation optimale des opérations des contrats de plan entre l’Etat et les régions. L’Autorité considère en conséquence que le contrat prévu par l'article L. 2111-10 du code des transports devra prévoir les dispositions permettant d'assoir une programmation rigoureuse et optimisée des investissements, dans le cadre d’une trajectoire d'investissements précise, documentée et transparente ».

On trouve là selon nous un écho marqué dans la critique  que nous avons faite sur la non rentabilité socio-économique des LGV du GPSO et les manquements dans son évaluation portée dans le dossier EUP fin 2014.

L’ARAFER alerte clairement le Gouvernement sur le risque pour SNCF de s’engager dans des investissements de ce type au-delà d’un ratio dette/ résultat d’exploitation.

Elle apporte un éclairage sur les multiples types d’investissements qui seraient demandés à tort à SNCF (cf. § 20) :

« Compte tenu de ces éléments, une attention particulière doit être portée aux définitions des investissements de développement et des investissements de maintenance qui seront retenues dans le décret pris pour l’application de l’article L. 2111-10-1 du code des transports. En particulier, la ligne de partage ne doit pas conduire à qualifier de maintenance des investissements qui devraient normalement être soumis à l’application de la « règle d’or » et être pris en charge intégralement par les autorités publiques en cas de dépassement du niveau plafond du ratio. De la même manière, afin de garantir l’objectif d’une maîtrise de la dette de SNCF Réseau tel que posé à l’article L. 2111-10-1, les dispositions du décret d’application doivent s’appliquer à l’ensemble des financements apportés par SNCF Réseau aux projets d’investissements de développement, quelle qu’en soit la nature ».

On voit là le doigt de l’ARAFER sur un possible détournement de la puissance publique pour faire fractionner des investissements ferroviaires et ainsi les écarter de la « règle d’or ».

En prenant l’exemple du GPSO on peut clairement y trouver l’application de ce risque de détournement de la règle d’or dans l’éclatement du GPSO en trois sous projets (lignes nouvelles à grande vitesse –LGV- d’une part et les AFSB et AFNT d’autre part) ces deux derniers pouvant être baptisés par l’Etat et RFF[1] de projets indispensables pour la fonctionnalité finale des LGV[2].

C’est ce que précise l’ARAFER au travers de son avis dans les §26 et 27 :

« En revanche, la définition prévue par le projet de décret n’inclut pas les investissements réalisés sur le réseau existant dont la réalisation est pourtant directement liée au projet de développement (par exemple, l’adaptation du réseau existant ou la construction de nouvelles infrastructures pour assurer la connexion de la ligne nouvelle au réseau existant, les aménagements de capacité en amont ou en aval de la ligne nouvelle, l’adaptation de l’alimentation électrique). Or, l’exclusion de ces investissements de l’assiette du projet de développement conduirait, lorsque le ratio est supérieur au niveau plafond, à faire porter par SNCF Réseau une partie du financement nécessaire à sa réalisation alors que ces investissements forment un ensemble non séparable du projet de développement et doivent, en conséquence, être pris en charge intégralement par les autorités publiques demandeusesAussi, l’Autorité recommande de compléter la définition des investissements de développement pour y intégrer les investissements sur le réseau existant dont la réalisation est intrinsèquement liée à la réalisation du projet de ligne nouvelle ».

La traduction pour nous de cet avis dans le dossier GPSO conduirait donc à regrouper les besoins financiers des AFSB et AFNT avec les LN et en demander le financement par l’Etat et/ou les collectivités territoriales (> à 10 milliards d’euros !) sans aucun euro venant de SNCF.

L’ARAFER donne plus loin (§45 à 47) des précisions quant au ratio maximum que la loi, et demain le décret, devrait entériner pour son calcul : dette financière nette/marge opérationnelle < ou = à 18.

Elle alerte sur le dépassement de ce ration dès aujourd’hui ce qui montre une fois de plus la fragilité des règles économiques que la loi voulait imposer pour casser la fuite en avant dans un modèle tout LGV/TGV qui fait crouler SNCF sur une dette en cavale :

« L’Autorité constate que le niveau plafond du ratio fixé à 18 par le projet de décret constitue le niveau maximum autorisé par la loi. Fixé à cette hauteur par le législateur en 2014 en cohérence avec le niveau du ratio calculé à cette date (17,5), le ratio a atteint 19 en 2015 et atteindrait 22 selon le budget 2016 de SNCF Réseau. Ainsi, bien que correspondant au montant maximum autorisé par la loi, la valeur de 18 retenue dans le projet de décret a des effets immédiats, SNCF Réseau n’ayant pas la faculté, aujourd’hui, toutes choses égales par ailleurs, de participer au financement de nouveaux investissements de développement ».

Pour conclure nous applaudissons aux termes de l’avis de l’ARAFER qui inspecte avec pertinence les failles sur la dette SNCF, les imprécisions du projet de décret, les risques rédactionnels de ce dernier qui pourraient faire perdurer des pratiques de gestion totalement ruineuses pour SNCF.

Mais au-delà la question du financement des projets de LGV rebondit.

Si SNCF n’assure plus la charge monstrueuse des investissements pour ces développements dans le tout LGV/TGV quelle peut être la viabilité d’un financement par les seules ressources de l’Etat (via l’AFITF) et des collectivités territoriales demandeuses ?

Si demain le GPSO dans son intégralité (LN+AFSB+AFNT) doit être porté par le financement public de ceux-ci c’est environ 5 milliards d’euros qui devront être supportés par les quatre entités désignées récemment par Alain Vidalies (Régions Nouvelle Aquitaine et Occitanie + métropoles bordelaise et toulousaine).

Gageons que celles-ci sont dans l’incapacité de répondre à  de telles charges  budgétaires dans un contexte contraint de réduction des aides étatiques aux collectivités territoriales.

Nous attendrons donc avec impatience et attention la parution prochaine du  décret pour y voir la confirmation de nos doutes

 

[1] Rappelons que jusqu’en 2016 RFF était un EPIC indépendant de SNCF et était maître d’ouvrage dans le dossier EUP des LN, AFSB et AFNT.

[2] On pourra reprendre notre argumentaire sur ce détournement dans les différents articles référencés dans notre blog, et plus précisément si besoin, dans notre mémorandum déposé lors de l’EUP (cf. http://ahp.li/58990e54835c243c24f0.pdf ).

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Bon visionnage. J.R . Thomas

 

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