Le Conseil d'Etat vient de statuer au contentieux dans le dossier des recours portés par des associations, des municipalités, des élus...contre la DUP délivrée le 10 janvier 2015 au bénéfice de la LGV Poitiers-Limoges.
Par cet acte rare et important le Conseil d'Etat montre une indépendance envers le pouvoir politique qui était bien ligottée depuis des lustres.
Il donne surtout aujourd'hui la parole à ceux qui luttent depuis longemps pour faire reconnaître le caractère "d'inutilité publique" aux nouveaux projets de LGV comme celui de Poitiers Limoges.
On peut lire avec attention les attendus portés par le Conseil d'Etat sur les recours contre la DUP de la LGV Poitiers-Limoges en consultant le texte intégral par le lien ci-dessous.
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CE, 15 avril 2016, Fédération nationale des associations des usagers des transports
Lire le communiqué Le Conseil d'Etat statuant au contentieux (Section du contentieux, 6 ème et 1 ère sous-sections réunies) sur le rapport de la 6 ème sous-section de la Section du contentieux...
Décision du Conseil d'Etat contre la DUP de la LGV Poitiers-Limoges -15 avril 2016
On remarquera tout particulièrement ce que le Conseil d'Etat exprime au sujet de la légalité externe du décret attaqué:
8. Considérant que le dossier d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique du projet de ligne à grande vitesse Poitiers-Limoges se borne, dans son analyse des conditions de financement du projet, à présenter les différentes modalités de financement habituellement mises en œuvre pour ce type d’infrastructures et les différents types d’acteurs susceptibles d’y participer ; qu’il ne contient ainsi aucune information précise relative au mode de financement et à la répartition envisagés pour ce projet ; qu’eu égard notamment au coût de construction, évalué à 1,6 milliards d’euros en valeur actualisée 2011, l’insuffisance dont se trouve ainsi entachée l’évaluation économique et sociale a eu pour effet de nuire à l’information complète de la population et été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative ; que le décret attaqué a ainsi été adopté dans des conditions irrégulières ;
et plus loin:
11. Considérant, toutefois, qu’il ressort des pièces du dossier que le coût de construction de cette ligne ferroviaire, dont le financement du projet n’est, en l’état, pas assuré, est, ainsi qu’il a été dit au point 8, évalué à 1,6 milliards d’euros en valeur actualisée à 2011 ; que les temps de parcours affichés font l’objet d’incertitudes résultant de la complexité de gestion d’une voie à grande vitesse unique assortie d’ouvrages d’évitement ; que l’évaluation de la rentabilité économique et sociale du projet est inférieure au niveau habituellement retenu par le Gouvernement pour apprécier si une opération peut être regardée comme utile, en principe, pour la collectivité ; que si le projet est principalement justifié par des considérations d’aménagement du territoire, la liaison qu’il prévoit se présente comme un simple barreau se rattachant au réseau ferroviaire à grande vitesse, dont il n’est pas envisagé le prolongement ; que sa mise en œuvre aura, en outre, selon toute vraisemblance, pour effet un report massif de voyageurs de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse vers la ligne à grande vitesse, impliquant une diminution de la fréquence du trafic sur cette ligne et donc une dégradation de la desserte des territoires situés entre Orléans et Limoges ; qu’enfin, en déclarant d’utilité publique et urgents les travaux de construction, dont l’engagement est envisagé entre 2030 et 2050, le Gouvernement n’a pas satisfait à la réserve formulée par la commission d’enquête tendant à ce que ces travaux soient programmés à un horizon suffisamment rapproché ; qu’ainsi, l’adoption immédiate du décret porte une atteinte très importante aux droits des propriétaires des terrains dont la déclaration d’utilité publique autorise l’expropriation dans un délai de quinze ans ;
autant d'arguments qui démontrent la "non utilité publique" de ce projet de LGV.
Et autant d'arguments que nous portons pour notre part depuis longtemps au regard des allégations "d'utilité publique" soutenues par SNCF Réseau dans le dossier GPSO.
On doit voir ici une brèche ouverte dans la lithurgie classique des thuriféraires des LGV.
Vouloir à tout prix lancer la construction de milliers de km de LGV au prétexte d'un modernisme dépassé, et pour satisfaire souvent à l'égo de quelques grands élus, ne peut raisonnablement perdurer face aux réels besoins de modernisation du réseau ferré existant.
Doit-on voir dans cet décision du Conseil d'Etat un coup d'arrêt aux projets pharaoniques tels que celui du GPSO ou du Lyon-Turin?
L'avenir nous le dira mais l'on peut croire aujourd'hui que cette décision représente bien une banderille dans le cuir des LGV, voir une muleta préfigurant une estocade.
pour LGVEA le Président Jean-Robert Thomas