LGV Poitiers-Limoges : un attentat au bon sens
Alors que la France était sous le choc des attentats de Charlie Hebdo, le gouvernement, par la signature du premier ministre, de la ministre des transports et de son secrétaire d’état, venait in extrémis autoriser la poursuite du projet de LGV Poitiers-Limoges en signant la Déclaration d’Utilité Publique le 10 janvier dernier.
Ce texte vient clôturer la procédure d’étude et de décisions administratives sur un projet de LGV entre deux villes moyennes de Poitou-Charentes et du Limousin. Avec 87000 habitants, Poitiers devrait être reliée à Limoges (140000 habitants) en 45 minutes pour parcourir les 115 km qui les séparent.
Avec plus de 1,6 milliards d’euros (CE2011) cette ligne à grande vitesse, en grande partie à voie unique, représente encore un investissement dans un GPII (grand projet inutile imposé).
Bien sûr il a reçu les encouragements de plusieurs élus locaux, comme toujours aveuglés par les mirages du progrès technologique. Ceux de Brive et Tulle se sont joints à ce concert.
On ne sera pas étonné que Madame Bernadette Chirac soit venue apporter son soutien dans un projet que certains qualifient de « LGV des présidents ».
Mais que vient faire à ses côtés Roland Dumas[1] (encore lui !) ?
Un renvoi d’ascenseur pour services rendus, un énième exemple du pouvoir des réseaux en politique ?
Les associations en lutte contre le projet depuis des années ont pourtant exprimé leurs positions argumentées lors de l’enquête d’utilité publique (EUP).
L’avis de la Commission d’enquête fut donné le 10 septembre 2013 comme favorable avec réserves. On notera notamment qu’elle demandait que, par la DUP à venir, le projet ne gèle pas des centaines d’hectares au-delà de 2030 : elle ne fut pas suivie par les signataires de la DUP puisque son article 2 précise :
« Les expropriations nécessaires devront être réalisées dans un délai de quinze ans à compter de la publication du présent décret. »
Ce projet a aussi été fortement décrié par les institutionnels comme :
- La Commission Mobilité 21 qui ne l’avait pas retenu dans ses priorités de transports ferroviaires et le renvoyait au-delà de 2030
- La Cour des Comptes qui qualifie la grande vitesse ferroviaire comme « un modèle porté au-delà de sa pertinence » et indique « que les études ont montré qu’il est impossible d’assurer une rentabilité socioéconomique même minimale à la LGV Poitiers-Limoges ».
- Le Conseil d’Etat qui, selon le site Mobilettre vient torpiller ce projet de LGV : « le conseil d’Etat, selon nos informations, vient de dire au gouvernement qu’il rejette le projet sur le fond, dans une note par nature confidentielle ».
Au-delà des associations ouvertement contre le projet de LGV, et majoritairement favorables à la réhabilitation de la ligne POLT (Paris, Orléans, Limoges, Toulouse), nombre d’élus et d’organismes (tels la FNAUT) sont venus contester une LGV qui semble, une fois de plus, être enfantée par « le fait du Prince » et les petits arrangements entre politiques de droite et de gauche.
Une confirmation d’une décision imposée au plus haut niveau de l’Etat vient d’être donnée par les déclarations d’une des signataires de la DUP, Madame Ségolène Royal, ministre des transports.
Elle admet dans les colonnes du Point « avoir agi par solidarité gouvernementale » (cf. http://www.lepoint.fr/politique/lgv-poitiers-limoges-opposee-royal-dit-avoir-agi-par-solidarite-gouvernementale-22-01-2015-1898539_20.php ).
Elle enfonce le clou en précisant : « "Je n'étais pas du tout favorable à cette LGV. Tout le monde sait mon opinion sur le sujet. J'étais pour l'amélioration de la ligne existante, plus efficace", a indiqué à une correspondante de l'AFP l'ancienne présidente de la région Poitou-Charentes ».
Elle va jusqu’à la condamnation économique du projet en poursuivant son interview : « Selon elle, "le coût d'une infrastructure comme celle-ci par rapport au financement est déséquilibré" et "le financement n'est absolument pas acquis" ».
Se pose alors la question d’une gouvernance qui s’appuie sur des arrangements politiques, lobbyistes, électoraux… bien loin d’une vraie prise en compte de l’intérêt général pour le citoyen/contribuable.
Hier encore, François Hollande, ouvrant la Conférence Environnementale le 27 novembre 2014, disait vouloir « ouvrir le chantier de la démocratie participative ». Tout en déclarant que « l’intérêt général ne pouvait être la somme d’intérêts particuliers » il préconisait des procédures réglementaires ouvrant le champ à « toutes les alternatives posées ».
A peine un mois plus tard ces déclarations tombent à plat à la lecture de la DUP de la LGV Poitiers-Limoges.
Verra-t-on un sursaut démocratique dans le dossier d’EUP des LGV du GPSO ?
Je crains qu’il n’advienne que sous la pression du citoyen, électeur par ailleurs, appelé aux urnes en mars (départementales) et décembre (régionales).
Mettons un tag sur notre agenda et restons vigilants.
Pour LGVEA
Le Président Jean-Robert Thomas
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[1] Rappelons-nous que Roland Dumas possède une propriété sur Saint Selve (33) où la LGV Bordeaux-Toulouse devait initialement traverser le territoire. Son fuseau fût déporté de quelques km vers l’est impactant alors les communes de Beautiran et Castres-Gironde.