Revue de presse juin-juillet 2014
TGV/LGV un nouveau modèle ?
Depuis quelques temps déjà SNCF s’engage dans une réforme de son système TGV.
Après l’euphorie des premières années (80-90) et la captation d’un marché juteux dans le transport à grande vitesse, l’opérateur historique revoit sa stratégie.
On assiste maintenant à l’éclosion du TGV low cost (Ouigo) censé endiguer la prédation des low-costs aériens. SNCF mise aussi en parallèle sur le transport longue distance en autocar (iDBUS) pour attirer des usagers qui rechignent à payer un ticket TGV de 100 euros ou plus. La très grande vitesse n’est plus le graal.
Le covoiturage, notamment chez les jeunes, grignote aussi des parts de marché au train (BlaBlacar).
Alors le TGV après avoir été une image devra-t-il devenir un usage comme le suggère Alexis Kummetat dans les Echos.fr.
Après 20 ans de vicissitudes entre RFF et SNCF la réforme ferroviaire en discussion à l’Assemblée devrait siffler la fin de partie et rétablir, au sein d’un holding, une certaine synergie entre les deux opérateurs.
Au-delà A. Kummetat pointe l’indigence dans la responsabilité de nos élus vis-à-vis d’un TGV image de modernité aujourd’hui dépassée : « Jusqu’à présent, et encore aujourd’hui, beaucoup des élus locaux ont toujours voulu « leur » TGV, perçu comme porteur de dynamiques positives. Et si les projets TGV suscitent des oppositions, c’est le plus souvent en raison des impacts environnementaux des infrastructures, bien souvent liés à d’importants enjeux financiers de « compensation » des territoires traversés, générateurs de millions d’euros de prestations de services, de transferts financiers et d’aménagements divers. Aujourd’hui, on commence aussi à entendre des oppositions liées à l’étranglement financier de l’Etat et des collectivités, et à d’éventuels arbitrages entre projets d’infrastructures, mais aussi entre investissements de transports et dépenses sociales, ou tout simplement de hausses d’impôts ».
Déficits et rentabilité
Le déficit de la branche TGV de SNCF vient alourdir le déficit global de SNCF, et sa dette, avec notamment le déclin des Intercités (TET). Lionel Steinmann dans les Echos.fr analyse, à l’aide d’un rapport de la Cour des Comptes, les causes d’un tel déclin : TET lourdement déficitaires car bondés aux heures de pointe et quasiment vides le reste du temps, matériel hors d’âge… qui laisse prévoir une renégociation de la convention Etat/SNCF très difficile.
A tout cela il faut bien rajouter ce qui devient le talon d’Achille de SNCF : la vétusté du réseau classique, son délabrement, son manque d’entretien et de rénovation…qui avait déjà été mis en exergue dans le premier rapport de l’Ecole Polytechnique de Lausanne de 2005.
On peut voir dans l’accident de Brétigny du 12 juillet 2013 la dramatique démonstration d’un abandon du réseau classique au seul profit des LGV/TGV, doublé d’une ubuesque gouvernance bicéphale entre RFF et SNCF depuis la réforme de 1997.
Les experts judiciaires appelés à se prononcer sur les causes de l’accident de Brétigny mettent en cause SNCF dans sa conduite de la maintenance du réseau : prescriptions actuelles de maintenance inadaptées, nécessité d’une formation renforcée en mécanique des équipes de maintenance, référentiels de maintenance complexes et difficiles à interpréter. SNCF et RFF refusent conjointement le qualificatif de « délabrement du réseau » mais le secrétaire d’Etat aux transports, Frédéric Cuvillier, déplore pour sa part une situation extrêmement dégradée.
Si les syndicats, et notamment la CGT, refusent que les personnels SNCF soient désignés comme seuls responsables de cet état, ils dénoncent une politique de SNCF du tout business et « plus globalement une réduction des moyens financiers et matériels qui dégradent les conditions de travail des cheminots et la qualité du service public SNCF rendue aux usagers et à la Nation ».
La dette du ferroviaire et la dépense publique
Car aujourd’hui plus que jamais l’argent public manque pour entretenir les biens publics. Alors que dire des dépenses pharaoniques pour des LGV (des dizaines de milliards d’euros) comme Paris-Strasbourg, Rhin-Rhône ou demain, pour répondre aux égos de quelques grands élus, le GPSO ?
Le creusement de la dette SNCF et RFF inquiète maintenant les élus et le gouvernement, ce dernier, par la voix de Frédéric Cuvillier, s’engageant à la diffusion d’un rapport sur la dette ferroviaire prochainement. Il était temps alors que « Le rapporteur du projet de loi sur la réforme ferroviaire, Gilles Savary, estime que la dette de la seule SNCF Réseau (réunion de RFF, SNCF Infra et de la DCF) avoisinerait les 60 milliards d’euros en 2025 contre 44 milliards actuellement pour le système ferroviaire, et augmente mécaniquement de 1,5 milliard d’euros par an ».
Nous continuons à dénoncer cette gabegie avec d’autres associations en Aquitaine et Midi-Pyrénées.
C’est ainsi que la Coordination 47, dans l’attente de l’EUP du GPSO, alerte tous les élus sur leur responsabilité dans un éventuel financement des LGV et manifestent leur refus de ce projet.
Pour eux comme pour nous la vitesse « n’est plus une priorité » et le lobby de M. Malvy et A. Rousset se heurte désormais aux dispositions de la future loi de réforme ferroviaire qui selon « un amendement «Savary» du nom d'un député Gironde, permet d'instaurer une «règle d'or» pour la réforme ferroviaire votée en juin par l'Assemblée nationale. «Ce n'est plus la SNCF qui paie, mais ceux qui font demande, les collectivités locales et territoriales» analyse Claude Semin, autre membre de la Coordination 47 ».
Cerise sur le gâteau, contrairement aux grandes envolées d’Alain Rousset, l’argent ne viendra pas non plus de l’Europe : « «Certains élus» estime encore Jacques Doucet «continuent de croire et d'affirmer que l'Europe financera le tronçon. C'est faux». Pour preuve affichée par les anti-LGV, la réponse d'une députée européenne, Christina Ratcliff, qui précise que la Bordeaux-Toulouse n'est éligible que pour les études, pas pour la réalisation ».
L’enquête d’utilité publique du GPSO, annoncée par le préfet pour octobre 2014, sera un moment capital pour ce dossier.
Y trouvera-t-on enfin la vérité quant à la rentabilité socioéconomique des LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax ? Le rapport tant attendu du Commissariat à l’Investissement Public, découlant du décret du 23 décembre 2013, devrait éclairer le débat et fournir peut être pour la première fois un avis « impartial » sur le fond.
La mobilisation des associations, des habitants et des élus locaux devra rester entière pour faire respecter la démocratie.
Pour LGVEA Le président Jean-Robert Thomas
17 juillet 2014