Revue de presse février-mai 2014
L’intense période d’élections (municipales et européennes) vient de s’achever et cela a occulté quelques temps l’actualité des LGV.
Nous donnerons toutefois ci-après les principales informations issues des médias sur les différents projets de LGV en France.
Pour ce qui concerne la LGV Bordeaux-Tours, si les travaux continuent bon train, le financement à terme de celle-ci reste toujours dans l’incertitude.
Fin 2013, après le coup de frein découlant du rapport de la Commission Mobilité 21 et la réticence du gouvernement à s’engager au-delà de la Bordeaux-Toulouse (dans un scénario demandant toutefois un engagement global de 30 milliards), certaines collectivités territoriales ont vu là une trahison des promesses de l’ancien gouvernement pour la réalisation conjointe des LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Espagne (GPO), promesses ayant pour contrepartie le financement de Tours-Bordeaux par les collectivités territoriales d’Aquitaine et Midi-Pyrénées.
Aujourd’hui encore nombre de ces collectivités territoriales refusent donc de poursuivre, voire d’engager, le paiement des échéances prévues dans la convention de financement.
L’exemple de ce malaise s’exprime dans les propos de François Bayrou, nouveau président de l’agglomération de Pau : « Les engagements n'étant pas respectés, nous ne nous mettrons pas en situation de continuer cet engagement déloyal et illégitime ».
Face à ce front du refus les « acteurs économiques », regroupés pour la plupart dans des associations lobbyistes adossées aux CCI, poursuivent l’utopie d’un GPSO global et font écho aux sirènes de la croissance et de l’emploi. Jean-Louis Chauzy (président du CESER Midi-Pyrénées) et ses complices comme Thierry le Friant (président de la Fédération régionale de travaux publics (FRTP) Midi-Pyrénées) sont encore dans l’incantation : « Une question reste en suspens : qui finance le GPSO, notamment le tronçon Bordeaux-Toulouse dont le coût total se situerait aux alentours de 5,9 Md€ ? Interrogé sur le sujet, Jean-Louis Chauzy reconnaît qu'"il reste 400 M€ à trouver" pour cette section. Le président d'Eurosud Transport réclame une réunion du comité des financeurs, qui n’est pas encore constitué. "Il faut établir rapidement combien on peut mettre bout à bout en termes de financement entre l’État et les collectivités, complète Alain Di Crescenzo. Si des fonds manquent, nous les trouverons. Et nous les trouverons facilement. Des investisseurs privés sont prêts à participer", assure le président de la CCI de Toulouse ».
Comment comprendre de telles assertions alors que les finances françaises sont au plus bas, la dette au plus haut, la crise économique toujours au front du défi gouvernemental, les budgets des collectivités territoriales sous le boisseau de la rigueur, les banques dans la frilosité ?
Comment croire ce que rajoute Thierry Le Friant quand on se rappelle les fausses promesses d’Alain Rousset pour la LGV Tours-Bordeaux (des dizaines de milliers d’emplois !!) alors que LISEA n’en comptabilise que 4500 au plus haut de l’activité[A], total des emplois locaux et nationaux/internationaux (Vinci et autres entreprises) :
« Concernant le programme du GPSO, le nombre d'emplois générés devrait être plus de deux fois plus élevé : 15.000 au total, selon les prévisions. Dans le détail, le chantier représenterait 6.000 emplois directs, auxquels il faut ajouter 6.000 emplois indirects et 3.000 induits. "Ce chantier d’envergure permettra de donner des perspectives d’avenir à notre profession, qui est en souffrance depuis de nombreuses années, complète Thierry Le Friant ».
Une propagande éculée que devraient rejeter nos élus s’ils voulaient mettre au cœur de leur mandat l’intérêt public !
Le malaise grandit toutefois dans l’esprit de certains quant au bien fondé de la politique du transport ferroviaire bâtie autour du seul couple LGV/TGV.
Certains pointent clairement l’erreur stratégique et économique en dévoilant le déficit croissant du secteur TGV dans les comptes de la SNCF.
La Tribune.fr révèle ainsi différents facteurs qui vont conduire la SNCF à revoir profondément sa stratégie dans le domaine TGV. La dépréciation de son parc TGV (pour 1,4 milliards d’euros !) est la conséquence d’une insuffisance de cash flow pour couvrir l’investissement dans les rames TGV. La marge opérationnelle sur l’activité TGV à la SNCF fond d’année en année : « Alors qu'elle s'élevait à 20% en 2008, elle a fondu de 8,6 points depuis, pour ne représenter que 11,4% en 2013 (-1,2 point par rapport à 2012), à 782 millions d'euros. Une performance très éloignée du seuil de 15 à 16% nécessaires pour conserver de manière rentable le périmètre actuel du TGV, selon la SNCF ».
Jean-Marie Darmian s’inquiétait déjà fin 2013 de l’érosion du système TGV et de sa rentabilité à terme : « Lentement (c’est la seule satisfaction) on se dirige vers un système de la « grande vitesse » non rentable ! La rentabilité du TGV est en effet largement impactée par le… développement du réseau dont les investissements ne correspondent plus aux besoins de la clientèle préférant désormais trains peu chers et à l’heure. Plus on ajoute de nouvelles lignes, moins elles sont… rentables ».
Oraison funèbre pour les LGV du GPSO dans les propos de cet élu socialiste, ancien maire de Créon et vice président du Conseil Général de la Gironde.
On observera que cette désaffection pour le mythique TGV peut trouver aussi ses racines dans la hausse continue des coûts de péages réclamés par RFF à SNCF pour les sillons TGV, hausse que SNCF doit répercuter en totalité ou en partie dans le prix des billets.
En remontant l’arbre des causes on pourra trouver chez RFF les germes de ces conflits économiques en constatant le coût désormais prohibitif d’entretien des LGV construites pour la circulation de TGV à 300, 320, voire demain 350 km/h !
Au-delà des coûts d’entretien on ne s’étonnera pas de la vertigineuse inflation de la dette de RFF quand on sait que les différents gouvernements depuis 1997 (date de la création de l’EPIC RFF et de son endossement d’une partie de la dette SNCF d’alors) ont poursuivi une politique de transport ferroviaire passagers axée sur la prépondérance du TGV.
C’est ce que soulignait encore le 25 mars dernier Philippe Jacqué dans Le Monde.fr.
Avec une dette fin 2013 de 33,7 milliards d’euros (31,5 milliards un an avant), et une prévision à moyen terme de 40 milliards d’euros, RFF succombe au poids des investissements : « Cette aggravation de 2,2 milliards d'euros de la dette s'explique par l'accélération des investissements et le manque d'autofinancements ou de subventions compensatrices ».
Si le groupe public investit dans la modernisation du réseau pour 2,7 milliards d’euros, le poste investissement dans les nouvelles LGV dépasse largement les capacités de RFF qui, tout en requérant aux PPP, doit accompagner financièrement la création de 700 km de LGV et 100 km de raccordement à celles-ci.
Jusqu’où pourra suivre RFF dans ce puits sans fond de la dette si les projets de LGV du GPSO viennent à terme ?
On peut craindre que la limite soit rapidement atteinte si, comme le souligne L’Usine Nouvelle le 15 avril dernier sous la plume d’Olivier Cognasse, le GPSO nécessiterait environ 15 milliards d’euros d’investissement.
Une utilisation insuffisante (« On attend un peu plus de 26 000 passagers au km sur la ligne Bordeaux-Espagne et un peu plus de 30 000 passagers au km sur Bordeaux-Toulouse, des chiffres ridiculement bas par rapport à la moyenne des LGV existantes (68 000) »), des coûts au km exorbitants (« Surtout, le prix au kilomètre devient exorbitant : 32 millions d’euros par kilomètre pour Bordeaux-Espagne en moyenne avec des coûts qui montent jusqu’à 51 millions d‘euros sur la traversée du Pays Basque. Pour Bordeaux-Toulouse, le prix est de 28 millions d’euros par kilomètre », autant de facteurs inquiétants pour l’état des finances de RFF et par ricochet pour la participation des collectivités territoriales à de telles dépenses.
On ne s’étonnera pas de retrouver dans un article du sus-désigné Olivier Cognasse (L’usine Nouvelle 4 juin 2014) les vœux renouvelés de Guillaume Pépy, PDG de SNCF, pour des rames grande vitesse bien dessous des TGV et AGV d’Alstom : « A la question sur les Trains d’équilibre du territoire (Intercités), il milite pour les conclusions de la Commission Mobilité 21, qui avait tranché dans les projets pharaoniques d’infrastructures du précédent gouvernement : "des trains de grandes lignes rapides roulant à 200-220 km/h". ».
C’est bien là ce que proposent associations et coordinations, notamment par l’aménagement de l’axe Bordeaux-Toulouse, en s’appuyant sur l’étude indépendante délivrée en son temps par le Cabinet Claraco.
Si Guillaume Pépy , s’exprimant dans les Echos.fr ne peut que constater l’impasse économique du couple actuel TGV/LGV il serait dans l’imprudence politique majeure quand il évoque une voie pour freiner la dégradation de la marge opérationnelle de l’activité TGV : « L’une des pistes de réflexion serait de refonder le financement du système ferroviaire. Aujourd’hui, l’entretien du réseau est essentiellement assuré par le TGV, dont le niveau de péages est proportionnellement beaucoup plus élevé que celui des autres trains. Certains responsables réfléchissent donc à une augmentation de la contribution des TER pour redonner un peu d’air au TGV ».
On voit poindre ici le risque longuement évoqué par nous même d’une dégradation des investissements et du crédit de fonctionnement du TER au seul profit et à la seule survie du mythe LGV !!
Verra-t-on un jour prochain nos élus et dirigeants revenir au consensus sur des trains « grande vitesse » roulant sur les voies ferrées réaménagées pour le bien de la majorité des usagers ?
Une ouverture semble se faire au sein de SNCF dans les tractations avec Alstom pour le « TGV du futur ».
C’est ce que l’on peut comprendre des propos de Marc Fressoz dans les colonnes de L’Expansion/ L’express.fr : « La vitesse n'est pas forcément un besoin réel. Les passagers demandent du confort et de la régularité. La SNCF cherche maintenant à investir sur les lignes classiques. Entre le Corail, qui circule à 160 km/heure, et le TGV, qui circule à 300, il n'y a rien. Or il y a un besoin de trains qui circulent à 200 km/heure sur des lignes classiques. C'est de ce côté que la SNCF est probablement en train de tirer le cahier des charges ».
Des propos que nous souhaitons être comme un bon augure pour le contribuable citoyen.
Pour LGVEA
Le Président Jean-Robert Thomas 9 juin 2014
[A] Sur le site LISEA on peut lire pour Tours-Bordeaux : « La construction de la LGV SEA Tours-Bordeaux constitue un chantier de grande envergure, qui va mobiliser 4 500 personnes au plus fort du chantier, dont 1 300 embauches locales. Ces emplois concerneront principalement les métiers du génie civil et du terrassement. »
Source : http://www.lgv-sea-tours-bordeaux.fr/engagements-durables/emploi