Tout va bien dormez braves gens
Il y a quelques siècles les hommes du guet lançaient cette litanie pour rassurer, sans convaincre, les citadins qui craignaient pour leur vie et leurs biens.
Aujourd’hui l’actualité vient souvent relancer cette communication laudative pour que le citoyen ne s’éveille pas aux vrais problèmes de notre société et réclame aux élus l’écoute et le respect de leurs mandants.
Réseau Ferré de France (RFF) procède de cette technique qui confine à la propagande et au mensonge par omission.
Prenons pour exemple la dernière Lettre d’Information (°16) diffusée par RFF en janvier 2014 et faisons en un décryptage.
Au-delà du ton de « confiance » et « concertation » qu’illustre une nouvelle fois cette Lettre relevons quelques points qui montrent que le GPSO n’est pas le projet souhaité et attendu par la majorité des citoyens.
Rappelons que certains grands élus, dont Alain Rousset en tête, imaginaient que les LGV du GPSO suivraient de près la LGV Tours-Bordeaux.
C’était sans juger de la crise économique et financière qui frappe le monde, et plus particulièrement la France, depuis 2007.
C’est ce qui a conduit le ministre des transports, Frédéric Cuvillier, à installer fin 2012 la Commission Mobilité 21 pour déconstruire le Schéma National d’Infrastructures de Transports (SNIT), vaste énumération d’infrastructures routières, ferroviaires, fluviales estimées à 245 milliards d’euros mais sans aucune source de financement actée.
Des conclusions de la Commission Mobilité 21 le gouvernement, dés juillet 2013, ne retint pour les LGV que la LGV Bordeaux-Toulouse, et encore avec l’application du scénario n°2 qui entraîne au global une mise de fond par l’Etat de 30 milliards d’euros qui ne sont à ce jour toujours pas budgétés.
Depuis l’été 2013, et sous l’aiguillon d’un lobbying effréné des grands élus (Rousset, Malvy, Madrelle, Juppé…), le ministre socialiste des transports se prend à promettre bien au-delà, une fois de plus comme certains de ses prédécesseurs, sans indiquer comment et où il trouvera le financement de ses promesses : c’est en octobre la branche Bordeaux-Dax (mixte voyageurs/fret !) pour le GPSO, c’est en décembre l’étude de la LGV Montpellier-Perpignan (mixte voyageurs/fret !)…
On peut sourire des piques d’A. Rousset aux propositions d’aménagement des lignes existantes pour tous trafics au fallacieux prétexte qu’il serait impossible d’y faire rouler TGV et trains de marchandises.
Alors aujourd’hui que nous dit RFF ?
Il donne des prévisions de mise en service : « La première phase comprend les lignes nouvelles Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, avec l’objectif d’une mise en service jusqu’à Toulouse en 2024 et jusqu’à Dax en 2027 » et « La seconde phase est constituée de la ligne nouvelle entre Dax et la frontière franco-espagnole, avec l’objectif d’une mise en service au plus tard en 2032 » sans insister que, pour cette dernière, le ministre des transports prévoit (cf. communiqué du 23 octobre 2013) d’attendre un approfondissement des études avant d’envisager la mise en enquête d’utilité publique.
Si Frédéric Cuvillier évoque un coût prévisionnel de 5,9 + 3,2 = 9,1 milliards d’euros pour la première phase (Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax), il ne dit rien de Dax-frontière espagnole.
Or les estimations découlant des données RFF[A] montrent que le coût des LGV pour cette première phase serait d’environ 30 millions/km ; on peut se douter que la géographie particulière du Pays Basque, et les ouvrages d’art qui seront nécessaires pour y construire une LGV, feront gripper ce coût bien au-delà des 30 millions d’euros/km.
Se pose donc dés aujourd’hui la problématique du financement de ces deux phases qui devraient, selon nous, dépasser 15 milliards à l’horizon 2025-2030.
Cela est déjà pointé en creux par l’information transcrite en quelques mots dans la Lettre n°16 : « Novembre 2013 : l’Etat a sollicité l’avis de l’Autorité Environnementale du CGEDD sur l’étude d’impact commune aux trois enquêtes publiques ».
Il faut savoir que l’Autorité Environnementale a rendu son avis et que cela a déclenché l’application du décret n° 2013-1211 du 23 décembre 2013 qui oblige à une évaluation des investissements publics par le Commissariat Général à l’Investissement.
Cette évaluation qui devrait être rendue publique à l’été 2014, sous forme de contre expertise indépendante préalable à l’EUP, sera à notre sens décisive pour quantifier la réelle rentabilité du GPSO et sa prétendue « utilité publique ».
Elle devrait influer grandement sur le volet socioéconomique de l’EUP prévue au deuxième semestre 2014[B] et servir de base aux discussions et décisions des autorités appelées au financement du GPSO (Etat, RFF, collectivités territoriales…).
Cela est d’autant plus critique que ce tour de table financier n’intervient, selon les propres informations du calendrier GPSO donné dans la Lettre d’Information RFF n°16, qu’à partir de 2016, après la Déclaration d’Utilité Publique (DUP), et… en plein dans la campagne présidentielle de 2017 !
Gageons que les avis du Commissariat à l’Investissement Public d’une part, les conjonctures économiques et politiques qui s’annoncent d’ici 2017 d’autre part, sauront apporter aux décideurs toute la mesure de la réelle utilité publique en matière de transport ferroviaire pour les décennies à venir.
D’ici là restons bien éveillés et attentifs sur ce dossier GPSO qui engagerait notre avenir et celui de nos enfants.
Pour LGVEA
Le Président Jean-Robert Thomas 17 mars 2014
[A] Source : chiffres extraits du dossier de présentation étape 2 GPSO élaboré
par RFF en janvier 2012.
[B] On ne peut s’attendre, comme espéré par RFF, à une EUP avant août 2014 compte tenu des délais d’instruction de la contre expertise menée par le Commissariat à l’Investissement Public (4 à 5 mois)